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234 ans après Bois Caïman : le vodou célébré en paroles, ignoré en actes

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Deux siècles et plus après le serment du Bois Caïman, l’État haïtien continue de brandir ce symbole fondateur de la révolution tout en marginalisant la spiritualité qui l’a rendu possible : le vodou.

Une mémoire réduite à la propagande

Port-au-Prince, 14 août 2025 – Le Bois Caïman reste présenté dans les discours officiels comme un moment-clé de l’histoire nationale : un acte de foi, de résistance et de rupture. Mais en 2025, cette référence semble davantage servir de vitrine patriotique que de reconnaissance sincère du vodou, moteur spirituel de l’insurrection de 1791.

La reconnaissance officielle du vodou en 2003 n’a pas changé la réalité. Les préjugés persistent, les temples sont parfois vandalisés, les leaders spirituels marginalisés. Les autorités invoquent volontiers le serment de Boukman, mais n’hésitent pas à s’aligner sur les positions des institutions religieuses dominantes qui dénigrent cette tradition.

Silence et hypocrisie des autorités

Les Églises catholiques et protestantes continuent à qualifier le vodou de « diabolique » ou « païen ». L’État, pour sa part, ne réagit pas. Dans certains cas, il participe même à cette exclusion, du moment que celle-ci ne contrarie pas ses objectifs politiques.

Cette contradiction frappe : on célèbre Dutty Boukman dans les manuels scolaires, mais on ignore les houngans et manbos d’aujourd’hui. On s’approprie le mythe fondateur, mais on exclut les praticiens contemporains des espaces de décision.

Quand les gangs s’en emparent

Ironie amère, ce sont désormais certains groupes armés qui accordent une forme de reconnaissance au vodou, l’intégrant à leurs pratiques de protection ou de domination mystique.

« Ce sont les gangs qui valorisent aujourd’hui le vodou, pendant que les autorités ne s’en approchent que lorsqu’elles veulent conserver le pouvoir », déplore Bòs Nènè, houngan aux Gonaïves.

Il évoque aussi le recours discret de personnalités politiques aux protections mystiques, connues sous le nom de « points », censées les protéger des balles.

Une culture toujours debout

Malgré le désintérêt officiel, le vodou demeure vivant, notamment dans les communautés rurales et populaires, où il reste une source de cohésion sociale, de guérison et d’identité culturelle.

« On parle du Bois Caïman, mais on ne respecte pas ceux qui vivent selon ses principes », regrette un houngan de Maïssade. « Le vodou a permis à Haïti de naître. Il ne devrait plus avoir à se battre pour exister. »

Une question d’unité nationale

Dans un pays en proie à une crise politique, sociale et sécuritaire profonde, le refus de reconnaître pleinement le vodou interroge : comment bâtir une unité nationale en reniant une part essentielle de son âme ?

À l’heure où l’on commémore les 234 ans du Bois Caïman, les célébrations ne peuvent être sincères que si elles s’accompagnent d’un engagement réel à valoriser cette tradition et à respecter ceux qui la font vivre.

Jean Gilles Désinord
Vant Bèf Info (VBI)

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