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7 juillet 2025 : quatre ans après l’assassinat de Jovenel Moïse, vérité confisquée et impunité entretenue

Le président Jovenel Moïse a été assassiné dans sa résidence privée, à Pèlerin 5, dans la nuit du 6 au 7 juillet 2021. Quatre ans plus tard, le dossier stagne dans les tiroirs de la justice haïtienne, pendant que les tribunaux américains, eux, multiplient les condamnations. Ce crime d’État, d’une ampleur transnationale, reste un révélateur brutal : en Haïti, la vérité est un luxe, et la justice un simulacre.

Une justice locale bloquée, pendant que les États-Unis jugent

Plus de quarante personnes ont été arrêtées dans cette affaire, dont des mercenaires colombiens et des personnalités politiques. Pourtant, aucun procès n’a été tenu en Haïti. Le dossier passe de main en main, les juges se désistent ou sont intimidés, et les institutions restent paralysées. À l’inverse, aux États-Unis, la justice avance. Des individus comme Rodolphe Jaar, Joseph Vincent ou John Joel Joseph ont été inculpés ou condamnés. La justice haïtienne, elle, continue de regarder ailleurs.

Un crime au parfum international

L’assassinat de Jovenel Moïse dépasse largement les frontières. L’entreprise américaine CTU Security, basée en Floride, a été identifiée comme ayant recruté les mercenaires colombiens impliqués. La République dominicaine a servi de zone de transit et de coordination. L’opération porte la marque d’un réseau transnational mêlant des intérêts économiques, politiques, et sans doute diplomatiques. Le fait que des Haïtiens aient pu s’associer à des étrangers pour tuer un président en fonction sur le sol national montre à quel point la souveraineté haïtienne est une illusion.

Michel Martelly, l’ombre dans le dos de Jovenel Moïse

L’ancien président Michel Martelly, celui-là même qui avait désigné Jovenel Moïse comme son dauphin politique, n’est pas épargné par les soupçons. Selon Pierre Espérance, directeur du RNDDH, Martelly serait l’un des cerveaux ayant planifié l’assassinat.

https://la1ere.franceinfo.fr/guadeloupe/l-ancien-president-michel-martelly-accuse-d-avoir-commandite-l-assassinat-de-jovene

L’analyse est claire : Moïse, porté au pouvoir pour assurer la continuité du régime PHTK, aurait fini par devenir un obstacle, s’éloignant des intérêts qu’il était censé protéger.
Cette rupture aurait nourri une hostilité croissante, jusqu’à ouvrir la voie à une solution radicale. À ce jour, Martelly n’a jamais été auditionné officiellement dans ce dossier. Mais son silence, comme celui de l’appareil judiciaire, parle pour lui.

Les contradictions de Moïse face à une justice qu’il a lui-même affaiblie

Jovenel Moïse n’était pas un président irréprochable. Il a contribué à l’effondrement de l’appareil judiciaire. En août 2019, lors d’une interview à Paris, il reconnaissait avoir nommé près d’une cinquantaine de juges corrompus, illustrant ainsi la profondeur du système clientéliste et dysfonctionnel qu’il perpétuait. Ironie tragique : c’est cette même justice brisée qui aujourd’hui traîne encore sur le dossier de son propre assassinat. Il en paie le prix fort.

Les États-Unis : alliés ambigus, partenaires sélectifs

Officiellement, les États-Unis ont aidé les enquêtes et poursuivent certains complices. Mais comment un président, soutenu par Washington, peut-il être tué dans sa chambre sans que ses « partenaires » ne soient au courant ? Pourquoi les États-Unis poursuivent-ils uniquement des conspirateurs, alors que les commanditaires — peut-être proches de leurs réseaux — restent protégés ? Ce crime pose une question politique brûlante : les Américains veulent-ils vraiment la justice en Haïti ? Ou seulement préserver leur influence ?

Quatre ans après, une chose est certaine : ce crime d’État n’a pas seulement tué un homme. Il a mis à nu tout un système, fondé sur l’impunité, le clientélisme, et la complicité des puissances étrangères. De Michel Martelly à l’élite économique, de CTU aux bureaux de Washington, ce dossier est une toile de silence.

Tant que la vérité sera enfouie, tant que les vrais responsables — où qu’ils soient — ne seront pas jugés, Haïti restera ce pays où l’on peut assassiner un président sans conséquence.

Et cela, c’est le scandale ultime.

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