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Saint Thomas d’Aquin : d’une célébration philosophique à une fête du divertissement ?

La fête de Saint Thomas d’Aquin, célébrée chaque 28 janvier, honore l’un des plus grands penseurs du christianisme et de la philosophie médiévale. Connu pour avoir concilié foi et raison, il a durablement influencé la pensée occidentale. Toutefois, cette célébration a progressivement évolué, passant d’un moment de réflexion intellectuelle à une simple occasion de divertissement. Ce glissement soulève une question essentielle : comment la fête de Saint Thomas d’Aquin a-t-elle perdu son caractère philosophique pour devenir un simple moment de distraction ?

Saint Thomas d’Aquin et la quête de vérité

Saint Thomas d’Aquin (1225-1274) a marqué l’histoire en intégrant les enseignements d’Aristote à la théologie chrétienne. Dans la Summa Theologiae, il explique que la raison peut conduire l’homme à certaines vérités divines, bien que la révélation demeure supérieure. Pour lui, « toute vérité, quelle que soit son origine, vient de Dieu ». Son héritage a inspiré des générations de penseurs et de chercheurs en quête de savoir.

Au Moyen Âge, la fête de Saint Thomas d’Aquin était un moment d’échange intellectuel. Les universités et les ordres religieux organisaient des débats philosophiques et théologiques. Ces discussions permettaient d’explorer les grandes questions de l’existence et d’approfondir la compréhension de la doctrine chrétienne. La fête avait alors une dimension éducative et spirituelle, centrée sur la recherche de la vérité.

De la réflexion à la distraction

Avec le temps, la célébration de Saint Thomas d’Aquin a perdu son caractère intellectuel. Aujourd’hui, bien que certaines institutions maintiennent des conférences en son honneur, la plupart des festivités se limitent à des événements sociaux. Dans plusieurs écoles et universités, la journée est marquée par des activités récréatives plutôt que par des débats philosophiques.

Des repas conviviaux, des spectacles et divers divertissements ont remplacé les discussions profondes. Certains y voient un moyen de renforcer la cohésion communautaire, mais d’autres déplorent une dérive vers une célébration superficielle. L’intellectuel cède la place à la fête, et la réflexion est mise de côté au profit du plaisir immédiat. Cette évolution reflète une tendance plus large dans la société moderne, où la recherche du savoir est souvent reléguée au second plan derrière le divertissement.

Philosophie et plaisir : un équilibre possible ?

La philosophie n’a jamais exclu le plaisir, mais elle l’a toujours associé à une quête de sens. Aristote affirmait : « Le bonheur réside dans l’exercice de la raison. » De même, Épicure prônait un plaisir mesuré, qui ne nuit ni au corps, ni à l’âme, ni à l’esprit. Pourtant, la société contemporaine tend à privilégier des distractions éphémères, souvent déconnectées de toute réflexion profonde.

C’est dans cette perspective que le philosophe français Michel Serres soulignait : « Le bruit et la vitesse ont remplacé la méditation et le silence. » Les réseaux sociaux et la culture du divertissement rapide renforcent cette tendance. Dans ce contexte, la fête de Saint Thomas d’Aquin, autrefois un moment de réflexion, devient un simple prétexte pour s’amuser. Loin de l’esprit du philosophe, ces célébrations s’éloignent du questionnement et de la quête de vérité.

Redonner à la fête son sens initial

Certaines initiatives cherchent à réintroduire la dimension intellectuelle de cette fête. Des universités organisent des débats sur des sujets d’actualité en lien avec la pensée thomasienne, comme l’éthique et la justice. Ces échanges rappellent que la philosophie peut encore éclairer notre époque. Selon le professeur Jeff Salomon, il est essentiel de maintenir cet héritage vivant à travers des discussions constructives.

Un retour à une célébration plus équilibrée permettrait d’allier plaisir et réflexion. La fête de Saint Thomas d’Aquin pourrait redevenir un moment d’échange intellectuel tout en restant accessible et conviviale, au lieu de se limiter au plaisir, qui, pour les hédonistes, constitue le but ultime de la vie. Ainsi, plutôt que de céder entièrement au divertissement, elle retrouverait sa vocation première : inspirer la recherche de la vérité.

En définitive, cette évolution montre à quel point la société moderne accorde peu de place à la réflexion. Le passage d’une fête philosophique à un simple moment de détente pose la question de notre rapport à la connaissance. La sagesse de Saint Thomas d’Aquin mérite pourtant d’être célébrée autrement que par le seul plaisir immédiat. Comme il le disait lui-même : « L’homme ne peut vivre sans joie », mais cette joie doit être éclairée par la sagesse.

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