Le président dominicain Luis Abinader vient de signer un décret qualifiant l’organisation criminelle « Viv ansanm » de groupe terroriste. Cette décision met en lumière une réalité que le droit haïtien reconnaît déjà : les groupes armés qui terrorisent la population en Haïti ne sont pas de simples « gangs », mais des organisations terroristes. Pourtant, les médias haïtiens, qu’ils soient traditionnels ou en ligne, continuent d’utiliser un vocabulaire qui ne reflète pas la gravité de leurs actions.
1- La loi haïtienne et les conventions internationales reconnaissent ces groupes comme terroristes
Loin d’être une question de perception, cette qualification repose sur des bases juridiques claires. Haïti a signé plusieurs conventions internationales relatives au terrorisme, notamment la Convention des Nations Unies pour la Répression du Financement du Terrorisme (1999), et la Convention interaméricaine sur la Répression du Terrorisme (2002). Ces instruments juridiques exigent que les États signataires prennent des mesures strictes contre les groupes qui financent et commettent des actes de terrorisme.
L’article 4 de la loi du 11 novembre 2013 sur le financement du terrorisme définit comme terroriste « ceux qui commettent des actes dans le but d’intimider ou de troubler gravement l’ordre public en créant une situation de terreur » (Loi sur le financement du terrorisme, 2013, art. 4).
Les massacres de civils, les enlèvements de masse, la destruction d’infrastructures étatiques essentielles et l’occupation armée de territoires entrent parfaitement dans cette définition.
Le Code pénal haïtien, renforce cette qualification avec plusieurs dispositions applicables aux actes commis par ces groupes. L’article 72 criminalise « les attentats et complots contre la sûreté intérieure de l’État », tandis que l’article 224 punit « quiconque aura participé à une entreprise de destruction, de dégradation ou de massacre ». L’ensemble de ces dispositions montre que la loi haïtienne permet déjà de considérer ces groupes comme terroristes et de les poursuivre en conséquence.
2- Le rôle crucial des médias dans la perception du problème
L’État haïtien n’a pas besoin d’adopter un acte supplémentaire (arrêté, décret) pour reconnaître ces organisations comme terroristes : la loi en vigueur le permet déjà. Ce sont les autorités judiciaires qui doivent explicitement mentionner les « actes terroristes » dans les qualifications retenues, au lieu de se limiter à des poursuites pour « association de malfaiteurs ».
Mais les journalistes haïtiens ont également une responsabilité dans ce combat. En continuant d’utiliser le terme « gangs armés », ils minimisent volontairement ou involontairement la gravité de la situation et empêchent une prise de conscience nationale et internationale adéquate. Un changement de la rhétorique (langage) est nécessaire pour refléter la réalité juridique et criminelle de ces groupes.
Les médias haïtiens doivent donc cesser d’employer un vocabulaire inadéquat et appeler ces groupes par leur vrai nom. Il ne s’agit pas d’une question de rhétorique politique, mais d’une précision essentielle qui peut influencer la réponse judiciaire, sécuritaire et diplomatique face à cette crise.
Références
• Code pénal haïtien, 1835.
• Loi sanctionnant le financement du terrorisme, 11 novembre 2013, art. 4 (Haïti).
• Convention des Nations Unies pour la Répression du Financement du Terrorisme (1999).
• Convention interaméricaine sur la Répression du Terrorisme (2002).
Me. Arold Nicolas
Étudiant en maîtrise Droit Pénal et Sciences Criminelles à l’Université d’État d’Haïti (UEH)