Quand Leslie Voltaire a osé déclarer, la main sur le cœur, qu’il avait fait une prière pour la délivrance du pays, c’est tout un peuple qui a serré les dents. Ce peuple qui prie déjà chaque matin, non par dévotion mystique, mais parce qu’il sait qu’à chaque pas dehors, c’est sa vie qu’il met en jeu. Ce peuple qui paie chaque mois le salaire d’un président, non pas pour allumer des cierges, mais pour livrer une vraie bataille contre la descente aux enfers du pays.
Fin janvier, Voltaire avait promis, comme un serment solennel, de débloquer au moins une route nationale. Juste une. Un symbole de sa volonté de briser le siège imposé par les gangs, de rouvrir une brèche d’espoir. Cette route, il ne l’a jamais libérée. Martissant est resté un enfer. Croix-des-Bouquets, Carrefour-Feuilles, Kenscoff devenu un territoire perdu sous son mandat, Tabarre, tout est resté verrouillé sous le joug des armes. Les camions-citernes brûlaient, les ambulances étaient braquées, et les familles se faisaient racketter pour traverser dix kilomètres de route nationale.
Face à cette réalité brutale, le président Voltaire, détenteur d’un maigre bilan pour son mandat de 6 mois, a prié. Il a imploré la Vierge. Mais les mères de Martissant ne veulent pas de prières, elles veulent juste pouvoir aller vendre leurs sacs de riz sans se faire kidnapper. Les paysans de la Grand’Anse ne veulent pas de prières, ils veulent juste une route praticable pour écouler leurs récoltes. Les écoliers de Carrefour ne veulent pas de prières, ils veulent juste arriver vivants en classe.
Voltaire, qui doit passer le flambeau à Fritz Alphonse Jean ce vendredi 7 mars 2025 dans le cadre de la présidence tournante établie par ces hommes incapables de vivre sans des titres, a prié comme un simple fidèle, oubliant qu’en tant que président, il avait le devoir de poser des actes concrets, de défier l’inacceptable, de briser cette spirale mortelle. Gouverner en Haïti, ce n’est pas s’agenouiller. Gouverner en Haïti, c’est tenir debout, le regard droit, face aux gangs, face à la peur, face à l’histoire. Ce n’est pas tendre les mains vers le ciel, c’est retrousser ses manches, poser des choix douloureux s’il le faut, mais agir.
En refusant de porter ce combat, en se réfugiant dans la prière et les symboles creux, Voltaire a trahi une vérité fondamentale : il n’a jamais été prêt à diriger ce pays. Il a occupé le fauteuil présidentiel comme un passager en transit, récitant des psaumes pendant que le bateau coulait.
Sa prière s’arrête-t-elle avec son mandat ? Certainement pas. Car désormais « simple » conseiller présidentiel, Voltaire priera pour sa propre sécurité, pour ne pas se faire enlever en allant à la messe. Mais cette fois, il priera dans la même file que toutes ces familles qu’il a laissées tomber. Le temps des prières présidentielles est révolu. Ce dont Haïti a besoin, ce sont des dirigeants qui prient avec les mains dans la boue, les bottes dans la poussière, et le regard fixé non vers le ciel, mais vers la prochaine route à libérer.