Depuis sa création sous l’administration de l’ancien président Jovenel Moïse par un arrêté présidentiel, la Brigade de sécurité des aires protégées (BSAP) s’est attirée autant de sympathies que d’oppositions, en raison de certaines de ses positions et interventions. Son engagement remarqué à la frontière haïtiano-dominicaine, lors de la construction du canal sur la rivière du Massacre côté haïtien, avait particulièrement marqué les esprits. Mais au-delà de ses actions ponctuelles, ce corps fonctionne avec de nombreuses irrégularités. Et malgré ces manquements criants, la BSAP se retrouve aujourd’hui face à un engagement républicain crucial : contribuer à la restauration de la sécurité nationale.
Un engagement réel
Depuis son instauration en 2017, la BSAP a montré une certaine utilité dans plusieurs régions du pays, notamment dans la lutte contre les gangs criminels. À Mirebalais, ses agents se sont mobilisés à plusieurs reprises pour défendre la population contre les attaques du groupe criminel « Viv Ansanm », y compris lors de la récente offensive sanglante.
À Léogâne, des agents de la BSAP jouent un rôle préventif contre une éventuelle invasion de la cité Anacaona par les criminels venus de Gressier, commune voisine contrôlée par ce même groupe.
À Kenscoff, au moins deux agents ont été tués récemment par des hommes armés liés à « Izo », le chef du gang de Village de Dieu. Ces agents étaient postés à la base des antennes, un site stratégique pour les télécommunications nationales.
Face à cette implication croissante, le Conseil présidentiel de transition (CPT) a adopté, le 3 avril, une résolution instituant une synergie officielle entre la BSAP et les forces de l’ordre pour lutter contre les criminels armés. « Nous sommes en guerre », a déclaré Fritz Alphonse Jean, président du CPT. Cette décision marque un tournant, mais aussi une occasion de s’attaquer aux nombreuses défaillances internes qui minent cette brigade.
Un corps sans contrôle
Créée en 2017 pour assurer la sécurité des 24 aires protégées reconnues du pays, la BSAP est souvent critiquée pour ses penchants politiques, ses recrutements non réglementés (sans critères d’âge ni de niveau académique), et de graves irrégularités administratives.
Un article d’AyiboPost publié en décembre 2024 a mis en lumière des dysfonctionnements majeurs. Aucun responsable de l’Agence nationale des aires protégées (ANAP), organisme de tutelle placé sous le ministère de l’Environnement, n’a pu fournir un chiffre exact du nombre d’agents actifs. Jean François Thomas, alors directeur de l’ANAP, parlait de 3.000 agents, selon le service des ressources humaines. Pourtant, Frantz Daniel Pierre, membre d’une commission de restructuration, évoquait le chiffre de 6 072 agents, basé sur des données de 2022 fournies par l’ancien directeur Jeantel Joseph.
Autre problème grave : le flou autour des armes en circulation. Aucun des responsables ne pouvait estimer le nombre exact d’armes détenues par les agents. L’institution, officiellement, ne fournit que des fusils de calibre 12, mais plusieurs agents seraient armés de fusils de guerre acquis par leurs propres moyens. La provenance de ces armes demeure inconnue, soulevant des inquiétudes quant à la légalité et la sécurité.
Toujours selon AyiboPost, certains individus auraient intégré la BSAP uniquement dans le but de « blanchir » des armes illégales en leur possession. Ces révélations n’ont jamais été suivies d’une communication officielle indiquant un assainissement ou une réforme en profondeur.
Vers une réforme sous pression
Malgré l’absence de réponse officielle jusque-là, quelques signes récents laissent entrevoir une volonté de changement. Peu après l’annonce du CPT, les responsables de la BSAP dans le Nord-Est ont rapporté avoir saisi plus d’une vingtaine de faux badges et d’uniformes, dans le cadre d’un début de processus de nettoyage.
Selon l’article 2 de la résolution du 3 avril, des évaluations seront réalisées afin de sélectionner les membres de la BSAP qui viendront en renfort aux forces de l’ordre. Un protocole d’accord entre les institutions concernées est également prévu (article 3) pour encadrer cette collaboration.
Il reste à voir si ces mesures seront effectivement mises en œuvre, et surtout, si elles permettront de transformer la BSAP en un corps républicain digne de ce nom. Car sans réforme sérieuse, l’institution risque de devenir un problème plus qu’une solution.