Haïti a officiellement fermé ses portes aux importations transitant par les ports de la République dominicaine. Une mesure entrée en vigueur ce lundi, qui oblige désormais tous les produits importés à passer exclusivement par les ports haïtiens.
L’impact a été immédiat à la frontière de Dajabón, où des poids lourds transportant des marchandises non dominicaines ont été bloqués. À l’inverse, les produits directement fabriqués en République dominicaine ne sont pas concernés, signe que le commerce bilatéral reste partiellement maintenu.
Une décision économique… et politique
Dans un contexte de crise économique profonde, cette décision marque une tentative du gouvernement haïtien de reprendre le contrôle sur ses chaînes d’approvisionnement. Avec une production nationale en chute libre, Haïti est devenu largement dépendant des importations – dont une grande partie transite par son voisin, parfois au détriment de la qualité ou de la traçabilité des produits.
Interrogé récemment par le quotidien dominicain Listín Diario, dans une interview vivement critiquée pour son absence totale de protocole diplomatique, le président du Conseil présidentiel de transition (CPT), Fritz Alphonse Jean, a tenu à clarifier que cette décision n’était pas un acte hostile envers la République dominicaine. Selon lui, il s’agit d’une mesure destinée à renforcer la sécurité du pays et à lutter contre le trafic d’armes et de drogues. Il a souligné que la République dominicaine demeure un partenaire commercial important.
Des cargaisons d’armes interceptées récemment dans des conteneurs à destination d’Haïti ont renforcé les soupçons d’une porosité inquiétante de la frontière dominico-haïtienne.
Une frontière de plus en plus militarisée
La République dominicaine, sous la présidence de Luis Abinader, poursuit quant à elle sa politique de fermeture et de militarisation accrue de la frontière. Dimanche, le président a annoncé l’envoi de nouvelles troupes à la frontière et validé la construction d’un nouveau segment du mur frontalier, l’une de ses promesses phares de campagne.
Parallèlement, il a indiqué vouloir réviser les règles des marchés binationaux, notamment celui de Dajabon, dans le but déclaré de freiner l’immigration clandestine. Ces mesures s’ajoutent à la fermeture de l’espace aérien avec Haïti et à une intensification des expulsions de ressortissants haïtiens.
Une tension maîtrisée ou une fracture diplomatique ?
Malgré les apparences, les deux gouvernements évitent, pour l’instant, la confrontation ouverte. Fritz Jean a insisté sur le fait que cette mesure ne vise pas la République dominicaine mais s’inscrit dans un plan de sécurisation des flux commerciaux. “La RD reste un partenaire commercial essentiel”, a-t-il affirmé.
Pourtant, cette reconfiguration des échanges transfrontaliers pourrait marquer un tournant durable dans les relations entre les deux pays. À moyen terme, la réussite de cette stratégie dépendra de la capacité d’Haïti à gérer ses propres infrastructures portuaires, encore largement dysfonctionnelles.