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CPT : un an de gouvernance, une transition coûteuse en vies humaines et en territoires perdus

Un an après sa création, le Conseil présidentiel de transition ressemble davantage à une pièce de théâtre absurde qu’à une réelle solution de sortie de crise. Ces neuf conseillers — non, ces neuf incompétents — censés incarner le sursaut républicain, se sont transformés en gestionnaires cyniques d’un chaos devenu lucratif. Tandis que le pays s’enfonce dans la misère et la violence, eux s’octroient salaires mirifiques, frais de représentation et privilèges indécents, comme si l’État haïtien était leur vache à lait personnelle. Ce Conseil, véritable Potemkine de la politique haïtienne, n’a fait qu’ériger un décor trompeur masquant l’ampleur du naufrage du pays.

Sous leur regard indifférent, des pans entiers du territoire national sont passés aux mains des groupes armés, qui dictent désormais leur loi à Canaan, Solino, Carrefour-Feuilles, Mirebalais, Delmas 6, Delmas 29, au Centre-ville, à Cité Soleil, Cité Militaire, ou encore à Martissant. Ces « territoires perdus de la République » ne sont plus que des zones grises, abandonnées par un État en décomposition. Les drapeaux ne flottent plus, les sirènes de la police ne hurlent plus, et les habitants survivent entre les rafales de kalachnikovs et les lois des caïds.

Partout, les bâtiments publics sont désertés : mairies, commissariats, écoles, tribunaux… tout ce qui portait encore les marques d’une présence étatique a été vidé, pillé ou incendié. La République recule face aux armes, pendant que les membres du CPT avancent vers les coffres du Trésor public, leur seul véritable champ de bataille — avec près de 60 000 dollars américains par mois, sans compter les nombreux autres avantages en gourdes. Et c’est là que se profile la figure d’un Tancrède moderne, qui, en dépit de tout, poursuit son intérêt personnel et celui de ses proches, tandis que le pays s’effondre.

Les écoles, qu’elles soient publiques ou privées, ferment leurs portes les unes après les autres. À Port-au-Prince, rares sont les enfants qui peuvent encore accéder à un enseignement régulier sans risquer leur vie. L’apprentissage du créole, des sciences sociales et des mathématiques a été remplacé par celui de la peur et de la fuite : apprendre à se cacher, à se taire, à courir au bon moment.

L’insécurité alimentaire atteint des niveaux alarmants. L’inflation dévore les salaires comme les termites rongent les maisons précaires des camps de déplacés. Le peuple ne mange plus à sa faim, mais les membres du CPT, eux, dégustent leur part du gâteau budgétaire dans le silence feutré des salons climatisés. Selon les Nations Unies, plus de 4 millions de personnes, dont 1,6 million d’enfants, font face à une insécurité alimentaire aiguë en Haïti — un chiffre en constante augmentation.

La faim n’est plus une menace, c’est une certitude quotidienne. Manger une fois par jour est devenu un luxe dans plusieurs communes, tandis que l’aide humanitaire se heurte à l’insécurité ou à la corruption. Et pendant que les enfants crient de douleur, les membres du CPT discutent des modalités de leur prochain voyage « diplomatique ».

La salubrité est un mirage dans les quartiers populaires de Port-au-Prince. Les tas d’ordures se confondent avec les égouts et les cadavres à ciel ouvert. Les rats sont les seuls véritables fonctionnaires de l’État : présents, actifs, omniprésents. Les mouches dansent sur les déchets, comme ces insensés dansent au rythme des privilèges.

Dans les camps de déplacés internes, les conditions de vie flirtent avec l’enfer. Des milliers de femmes, d’enfants et de vieillards dorment sous des bâches en plastique ou sur des cartons, sans eau potable, sans électricité, sans soins. Mais les conseillers présidentiels, eux, roulent en véhicules blindés, escortés comme des chefs d’État dans un pays qu’ils n’osent plus vraiment traverser.

La violence sexuelle explose dans le silence assourdissant des institutions de transition. Des femmes sont violées sous la menace d’armes automatiques, des fillettes brisées à vie, et aucune politique de soutien, aucune justice, aucune compassion. Ceux qui devraient parler — comme le ministère à la Condition féminine — préfèrent se taire pour ne pas déranger l’agenda des prochains décaissements. Dirait-on un retour au Moyen Âge, où il fallait flatter le roi pour sauver quelques miettes ? Malgré les humiliations subies par les Haïtiennes en Haïti comme à l’étranger, la ministre Pedrica Saint-Jean n’arrive même pas à articuler un mot.

En somme, cette transition n’a rien de politique, encore moins de républicaine. Elle est une farce cruelle, un festin de vautours au-dessus d’un pays à l’agonie. Le CPT, loin d’être un conseil de sages, s’est érigé en caricature vivante de la corruption post-étatique : un organe de transition, certes, mais vers l’abîme.

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