Ah, Haïti ! Ce pays où l’État, plus fantomatique que jamais, observe avec une tranquillité olympienne l’agonie de ses citoyens. À Petite-Rivière de l’Artibonite, les habitants n’attendent plus rien de ceux censés les protéger. Face aux attaques sauvages du groupe terroriste de Savien, dirigé par le très « illustre » chef Luckson, des dizaines d’hommes, de femmes et d’enfants n’ont trouvé qu’un moyen de survie : fuir à la nage. Oui, à la nage. Pas pour des vacances ou du sport aquatique, mais pour échapper aux balles, aux incendies et aux exécutions sommaires.
En trois jours : 15 morts, dont un enfant de 11 ans, des dizaines de blessés, des centaines de déplacés, des maisons réduites en cendres, et une population abandonnée comme du bétail. Pendant ce temps, les autorités brillent par une rare performance : le silence absolu. Ni communiqué, ni visite, ni intervention. Le Conseil présidentiel de transition semble en hibernation prolongée. Et le Premier ministre Alix Didier Fils-Aimé ? Un chef absent dans un pays livré aux prédateurs.
Le groupe « Gran Grif », affilié à la désormais tristement célèbre coalition Viv Ansanm (une ironie en soi), attaque avec une régularité de métronome. Le 30 avril, à 3 h du matin, le centre-ville de Petite-Rivière est pris d’assaut : incendies, détournements de véhicules, enlèvements. Tout cela sous l’œil distrait d’une Police nationale dépassée et d’une mission multinationale aussi invisible qu’impuissante.
On croirait à un scénario de fiction, sauf que les corps sont bien réels, les cris bien vivants, et les coupables… tranquilles, armés, certains de leur impunité. L’État, lui, multiplie les échecs comme un élève obstiné qui refuse d’apprendre. De la capitale à l’Artibonite, les massacres s’enchaînent, la peur s’étend, mais à Port-au-Prince, on préfère sans doute discuter de réformes constitutionnelles dans des salons climatisés pendant que les villages brûlent.
La société civile crie, les médias alertent, les églises prient. Et l’État ? Il compte les morts, s’il les compte encore. La question devient urgente : à quoi sert un gouvernement qui n’intervient pas quand son peuple est abattu comme du gibier ? La réponse semble cruellement simple : à rien.
Les citoyens ne veulent plus de discours, encore moins de promesses creuses. Ils réclament des actes : des armes pour les policiers, des routes sécurisées, des hôpitaux ouverts, et surtout, des dirigeants qui dirigent. Chaque minute d’inaction est une complicité. Chaque silence officiel, une gifle aux survivants.
Mais peut-être attendons-nous trop. Après tout, on ne peut pas demander à un cadavre politique de protéger des vivants.