La Mission multinationale de soutien à la sécurité (MMSS) a annoncé, ce lundi 26 mai 2025, l’implantation prochaine d’une Base Opérationnelle Avancée (FOB) dans l’enceinte du Port de l’Autorité Portuaire Nationale (APN), à Port-au-Prince. Présentée comme une étape majeure vers la sécurisation des infrastructures stratégiques du pays, cette initiative vise notamment à garantir la continuité des échanges maritimes et à renforcer la présence de l’État dans un contexte d’emprise croissante des gangs armés.
Le port de l’APN, considéré comme l’un des derniers maillons fonctionnels de l’économie haïtienne, reste un point névralgique pour l’entrée des marchandises essentielles. C’est dans cette optique que la MMSS entend y établir une base fixe, en partenariat avec la Police Nationale d’Haïti (PNH) et le Programme des Nations Unies pour le Développement (PNUD). D’autres infrastructures sensibles — telles que l’aéroport international, des hôpitaux ou certaines écoles — devraient également faire l’objet d’efforts de sécurisation similaires.
Cependant, la situation sur le terrain reste critique. De larges portions de la capitale échappent toujours au contrôle des autorités, et les attaques armées se poursuivent, forçant des milliers de familles à l’exil.
Malgré la présence d’unités spécialisées au sein de la PNH, leurs capacités restent limitées. Avec moins d’un policier pour 1 000 habitants, la couverture sécuritaire demeure largement insuffisante, d’autant plus que de nombreux postes sont désertés ou sous-utilisés.
Selon plusieurs sources, seuls les policiers kenyans de la MMSS sont actuellement déployés sur les lignes de front. Certains d’entre eux, interrogés sous couvert d’anonymat par l’agence de presse espagnole EFE, ont fait état de conditions de travail extrêmement précaires : manque de coordination avec les forces locales, absence de soutien logistique adéquat et insécurité ambiante constante. De leur côté, des représentants syndicaux de la PNH dénoncent depuis plusieurs mois l’abandon des unités engagées dans les opérations à haut risque, ainsi qu’un déficit alarmant de ressources de base — allant des gilets pare-balles aux véhicules blindés mal adaptés aux réalités du terrain.
Si le déploiement de la MMSS a été salué comme une réponse internationale face à la crise haïtienne, il reste encore très partiel. Le contingent kenyan, censé constituer l’ossature de cette mission, n’a pas atteint le seuil prévu, et sa montée en puissance est freinée par des obstacles logistiques, organisationnels et financiers.
Dans ce contexte, l’établissement d’une base opérationnelle au Port de l’APN représente un geste fort. Mais sans une coordination renforcée avec les autorités haïtiennes et sans reconquête des zones périphériques, cette mesure pourrait rester symbolique face à la dynamique expansive des groupes armés.