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Alors que le pays fait face à une crise multidimensionnelle sans précédent, un atelier de réflexion s’est tenu ce mercredi 2 juillet 2025 autour du thème : « Le rôle des organisations dans la lutte contre les violences en période de crise en Haïti ». Cette activité, à mettre à l’actif de Défenseur Plus, a réuni des acteurs communautaires, des responsables d’organisations de défense des droits humains et des experts en développement.

Port-au-Prince, juillet 2025. – L’initiative, animée par le journaliste et professeur Wandy Charles, s’est imposée comme un espace de dialogue, de partage d’expériences et de mise en perspective des responsabilités institutionnelles et citoyennes.
Dans son propos d’ouverture, Wandy Charles a dressé un tableau sans concession de la situation nationale : « L’effondrement de l’ordre public, l’emprise croissante des groupes armés, la déliquescence des institutions régaliennes et la détresse sociale généralisée exigent de repenser nos modes d’action. » Selon lui, il devient impératif d’identifier les formes de violences exacerbées par la crise, d’analyser les réponses existantes, d’interroger les limites opérationnelles des organisations, et surtout, de formuler des pistes concrètes d’action et de coordination.
Intervenant lors de l’atelier, Emilie Marcelin, responsable de l’Axe Genre au sein de l’organisation Défenseur Plus, a dressé un constat implacable de la situation des femmes et des filles dans le contexte haïtien actuel. « Nous faisons face à une véritable entreprise de destruction sociale, où la violence sexuelle est utilisée comme arme de guerre, systématiquement et massivement », a-t-elle déclaré. Citant les données de Human Rights Watch, elle a rappelé que plus de 4 000 cas de violences sexuelles ont été recensés, dont un nombre alarmant de viols collectifs, souvent perpétrés devant des membres de la famille ou des voisins. « Ces violences ne sont pas seulement des atteintes physiques, ce sont des actes de domination qui brisent des vies, pulvérisent des communautés et sapent tout espoir de reconstruction. »
Mme Marcelin a également souligné l’importance de mettre en place une réponse coordonnée, structurelle et pérenne. Selon elle, les organisations de la société civile doivent aller au-delà de la dénonciation, en assurant un accompagnement psychosocial, juridique et médical aux victimes, tout en documentant systématiquement les violations pour nourrir les mécanismes de justice transitionnelle. Elle a plaidé pour une approche intersectionnelle, tenant compte de la vulnérabilité accrue des femmes déplacées, des adolescentes et des femmes handicapées. « Il est impératif que la dimension genre ne soit pas marginalisée, mais placée au cœur de toute stratégie de résilience et de reconstruction sociale. »
Il faut que chacun assume ses responsabilités
Intervenant au nom de la Commission Épiscopale Justice et Paix (CE-JILAP), Mme Jocelyne Colas a tenu à clarifier un point souvent controversé dans le débat public. Certaines voix accusent en effet les organisations de défense des droits humains d’avoir contribué à l’aggravation de la crise sécuritaire, en freinant des actions coercitives contre les groupes armés. Une lecture qu’elle a vigoureusement rejetée. « Il ne faut pas inverser les responsabilités. Ce n’est pas parce que les organisations dénoncent les abus que les autorités ne doivent pas agir. Chacun a un mandat, une mission, un devoir envers la nation. Il faut que chacun assume son rôle, sans chercher un bouc émissaire », a-t-elle affirmé avec fermeté.
Mme Colas rappelle que l’État haïtien n’a jamais véritablement investi dans la promotion et la protection des droits humains durant les cinq dernières décennies, d’où la nécessité de structures indépendantes capables d’exiger des comptes. Pour elle, la présence des organisations de défense des droits humains n’est pas un frein, mais bien une force d’appoint, un levier citoyen indispensable dans une démocratie défaillante.
De la veille à l’action : les multiples visages de l’engagement
L’intervention de la CE-JILAP a également permis de rappeler la diversité des missions confiées aux organisations de défense des droits humains. Au-delà de la documentation des violations (tant sur le plan qualitatif que quantitatif) ces entités apportent une assistance humanitaire, mènent des actions de médiation, et contribuent à la résolution des conflits communautaires.
Dans les zones affectées, elles œuvrent en étroite collaboration avec des leaders locaux, qu’ils soient naturels ou institutionnels, dans le but de restaurer la paix, d’encourager le dialogue et de reconstruire le tissu social. Elles jouent aussi un rôle de sensibilisation citoyenne, vulgarisent les droits fondamentaux et mobilisent l’opinion à travers des campagnes ciblées et des plaidoyers.
Un devoir de vigilance et de dénonciation
Par ailleurs, les organisations sont appelées à travailler en synergie avec les institutions de l’État pour renforcer l’État de droit, sans jamais renoncer à leur devoir de dénonciation des dérives, qu’elles soient policières, judiciaires ou politiques. À ce titre, elles produisent régulièrement des rapports, des études de terrain, des analyses sectorielles, dans le but d’alerter les décideurs, d’informer les partenaires internationaux et d’orienter les politiques publiques.
« Notre mission est permanente. La lutte pour les droits humains ne connaît ni pause ni relâche. Elle s’inscrit dans une dynamique de vigilance, d’alerte et de responsabilisation collective », a martelé Mme Colas.
Vers une mobilisation concertée de la société civile
Au-delà des constats alarmants, l’atelier a surtout été marqué par la richesse des échanges en petits groupes, où les participant, représentants d’ONG, travailleurs sociaux, membres de structures communautaires, universitaires et défenseurs des droits humains, ont croisé leurs expériences de terrain. Ces ateliers participatifs ont permis d’identifier des dynamiques locales de résilience souvent ignorées, de partager des stratégies de protection adaptées au contexte haïtien, et de réfléchir à des mécanismes de coordination inter-organisationnelle plus efficaces.
Parmi les principaux acquis figurent la nécessité d’un meilleur maillage territorial des actions, d’un renforcement des capacités locales, et d’une approche intégrée alliant protection, prévention et sensibilisation. Les participants ont unanimement recommandé la création d’un réseau permanent d’échanges et de veille, la production de rapports conjoints sur les violations documentées, ainsi qu’un dialogue institutionnalisé avec les autorités nationales et locales, afin d’assurer un suivi concret aux recommandations.
En clôturant la journée, les initiateurs ont souligné l’importance de traduire ces réflexions en engagements concrets et en actions solidaires, capables de redonner sens à la lutte pour la dignité humaine, même dans l’adversité. Une dynamique prometteuse que beaucoup souhaitent voir perdurer bien au-delà de cet atelier.
Liste des organisations présentes : RFJS, NGRAJUD, CPD, AUMOHD, MOUSHAPDH, REJIDH, MOUSHAPSH/DF, ORDEDH, Sere plus groupe, ONADDCI, Mouvman Ekilib, OHDLP, Kay jen, CESPHA, GARJE, RONDDH, VDH et Zanmi Timoun.
Came Stefada Poulard
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