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Grand’Anse, terre de crimes et d’impunité : Jessica, la dernière victime d’un enfer négligé ?

Dans la 3e section de Mowon, mercredi 16 juillet 2025, une scène macabre est venue une fois de plus rappeler la brutalité qui gangrène le département de la Grand’Anse. Jessica Guillaume, 13 ans, a été attaquée par des hommes qui tentaient de la violer. Ils lui ont volé son téléphone avant de la tuer de manière monstrueuse, étranglée à l’aide de ses propres mèches. Ce crime, confirmé par l’Initiative départementale de défense contre la traite et le trafic des enfants (Idette), s’ajoute à une longue liste de violences sexuelles et de meurtres que subissent les enfants dans cette région abandonnée par les autorités centrales.

Par exemple, dans la commune de Bomon, l’horreur n’est plus une exception. Nerto Alexis, 31 ans, a violé sa propre sœur de 9 ans. Dans la localité de Moulin, Emichel Anslo, 27 ans, a mis enceinte sa sœur de 17 ans. Ce sont des drames quotidiens, étouffés dans le silence des familles ou maquillés par des arrangements. Idette, l’une des rares structures à documenter ces atrocités, alerte depuis des années, sans qu’aucune action concrète ne soit entreprise. Des jeunes filles sont filmées pendant les agressions et les vidéos sont publiées sur les réseaux sociaux, sans que les auteurs soient inquiétés.

L’un des scandales les plus indécents demeure la complicité des autorités locales. À Bomon, le juge Anold Baptiste est régulièrement accusé de favoriser des règlements à l’amiable entre victimes et bourreaux. Pire encore : son propre fils, Jeudy Jean Baptiste, est cité dans une dizaine de cas de viol. Dans un tel climat d’impunité, où les gardiens de la loi deviennent les protecteurs de l’horreur, la justice n’est plus qu’une façade, une moquerie cruelle faite aux victimes.

Par ailleurs, Roseaux, un autre visage de l’impunité se révèle. Delbrun Bergemane, prédicateur méthodiste et professeur, est en cavale après avoir violé une élève de 14 ans qu’il a laissée enceinte. Ce cas est loin d’être isolé. En 2020, pas moins de 92 adolescentes sont tombées enceintes dans 11 écoles de la commune, dans des circonstances douteuses. Quand les bancs d’école et les chaires religieuses deviennent des terrains de chasse, que reste-t-il pour protéger l’innocence des enfants ?

Le commissaire du gouvernement près le tribunal de Jérémie, Me Jean Marie Getchgeans Alexandre, affirme ne tolérer aucun acte de ce genre dans sa juridiction. Mais cette posture reste vaine si elle n’est pas suivie d’actes fermes, d’enquêtes indépendantes, et surtout, d’un soutien de l’État. Tant que Port-au-Prince détourne les yeux, les bourreaux continueront d’agir à l’abri du silence. Le cri de Jessica, étranglée à 13 ans, doit retentir comme un ultime avertissement : la Grand’Anse est en train de pourrir sous l’indifférence générale. Et chaque silence tue.

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