Ankèt

Fin du mandat de Fritz A. Jean : encore un qui n’a rien foutu

Ce 7 août marque la fin du mandat de Fritz Alphonse Jean à la tête du Conseil présidentiel de transition (CPT). Une cérémonie de passation s’est tenue à la Villa d’Accueil, dans un climat de terreur bien connu, où les groupes terroristes rappellent chaque jour qu’ils tiennent toujours le pays sous leur joug. Plusieurs cadavres ont été retrouvés dans la région métropolitaine de Port-au-Prince, des blindés incendiés à Kenscoff : voilà le décor dans lequel M. Jean s’en va. Et il part comme il est venu : sans trace, sans impact, sans bilan. Comme d’habitude, nos dirigeants, après avoir tout raté, aiment lâcher : « je pars avec le sentiment du devoir accompli ». Fritz Alphonse Jean ne dira sûrement pas le contraire. Un de plus, dira-t-on. Encore un qui n’a rien foutu.

On pourrait en rire s’il ne s’agissait pas d’un pays en ruines. Durant son mandat, M. Jean n’aura rien accompli de marquant, si ce n’est accumuler les symboles de l’impuissance : seulement trois conseils des ministres en plusieurs mois — dont un de 25 minutes —, une visite en Jamaïque sans suite, un centre d’appel pour la douane présenté comme une avancée stratégique. Le budget, tant vanté comme une « enveloppe de guerre » censée briser les gangs, est resté lettre morte. Une infime portion a été décaissée, preuve flagrante d’un leadership inexistant.

Et pour couronner le tout, une sortie médiatique où il affirmait que, jusqu’à lui, aucune vraie bataille n’avait jamais été engagée par l’État contre les gangs. Comme si les policiers tombés sur le terrain n’avaient jamais existé.

Plutôt que d’agir, il passait plus de temps à mendier de la compassion dans les studios de radio, jouant le rôle du simple citoyen qui dénonce un système qu’il représentait pourtant en première ligne. Un aveu flagrant de son absence de leadership. Mais qu’on ne s’y trompe pas : le bilan de Fritz Jean est aussi celui de tout le CPT. Dans cette structure à neuf têtes — sept votantes, deux observatrices —, tous ont échoué. Et tous doivent rendre des comptes.

Edgard Leblanc Fils, censé incarner une certaine sagesse politique, n’aura été que l’ombre d’un ex-parlementaire sans relief. Lesly Voltaire, représentant de Fanmi Lavalas, parti autrefois proche des masses, s’est perdu dans les méandres d’un idéologue fatigué. Fritz Alphonse Jean, qui se voulait l’homme rigoureux du secteur économique, s’est enfermé dans un mutisme stérile, incapable d’articuler la moindre vision. Quant à Laurent Saint-Cyr, représentant du secteur privé, il n’a pas encore eu le temps de faire ses preuves. Mais il porte déjà le fardeau d’une population profondément méfiante envers un secteur privé accusé depuis des années de capturer l’État. Tous ont failli. L’Histoire n’aura rien à sauver.

Ce Conseil, censé être le phare d’une transition, n’a été qu’un ramassis de petits chefs jouant à se croire présidents. Chacun avec son cortège, ses sirènes, ses caprices. Et parfois, des morts sur la route, victimes de leur arrogance. Un pays sans moyens, contraint de gaspiller ses maigres ressources pour entretenir neuf faux dirigeants. Pendant ce temps, la misère progresse, l’insécurité explose, et les gangs étendent leur territoire — jusqu’à La Chapelle, tombée pendant que Fritz Jean était encore là.

Cerise sur le gâteau : des scandales de corruption ont éclaboussé trois membres du CPT — Emmanuel Vertilaire, Louis Gérald Gilles et Smith Augustin — sans qu’aucune suite n’ait été donnée. Tout cela s’inscrit dans une même logique : impunité totale, cynisme généralisé, zéro résultat. Et que dire de la lettre de Fritz Jean demandant des comptes sur le contrat scandaleux entre l’État et Caribbean Port Services (CPS) ? Un contrat de 27 ans, alors que la loi n’en autorise que 9. Un geste salué, certes, mais qui souligne une fois de plus l’ampleur du pillage et la compromission de ceux qui prétendent gouverner. Ce n’est pas seulement le mandat de Fritz Jean qui échoue. C’est la transition entière. C’est le gouvernement dans son ensemble. C’est tous ceux qui ont contribué à fabriquer ce monstre à neuf têtes.

La communauté internationale, qui a appuyé cette mascarade via la Caricom, porte aussi sa part de responsabilité. Tout comme les secteurs représentés dans ce conseil — politiques, économiques, religieux — qui, au lieu de servir le peuple, se sont servis eux-mêmes.

Alors que le pays continue de sombrer, que les gangs prospèrent, que les jeunes fuient, on assiste, impuissants, à cette farce de la continuité. Fritz Jean s’en va. Un autre prend sa place. Et rien ne change.

Que peut-on espérer des cinq prochains mois sous la coordination de Laurent Saint-Cyr ?

Est-il vraiment l’homme de la situation, ou n’est-il qu’un nouveau produit du secteur privé, accusé depuis longtemps de capturer l’État pour le piller jusqu’à la moelle ? Avec Alix Didier Fils-Aimé, lui aussi issu du même secteur, sont-ils là pour continuer à protéger leurs intérêts ou redorer le blason de cette classe bourgeoisie décriée, ou pour servir enfin le peuple ?
Peuvent-ils réussir le miracle de rétablir la sécurité et d’organiser les élections, ce qui devait pourtant être la mission essentielle de cette transition ?
Et surtout, que se passera-t-il après le 7 février 2026, date officielle de la fin de leur mandat ? La transition prendra-t-elle fin ? Ou continuerons-nous à tourner en rond dans ce cycle infernal où aucun progrès réel ne se fait, où la violence tue des milliers de personnes chaque année, où rien ne fonctionne, où les enfants ne peuvent pas aller à l’école, et où la majorité de la population vit dans une insécurité alimentaire chronique ?
Parce qu’en Haïti, les mandats finissent, mais l’échec reste.

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