Dans un univers musical haïtien où les genres s’entrelacent et parfois se diluent, un artiste choisit de revenir aux fondamentaux. Toby, connu pour son style unique, sa voix vibrante et pénétrante, son esthétique littéraire, son flow et ses punchlines, fait un pari audacieux : proposer un album entièrement rap, brut, sans détour, dans un contexte où nombre de rappeurs se voient contraints de s’adapter aux règles de l’industrie musicale haïtienne — communément appelée HMI — largement dominée par le Konpa et la variété.
C’est via une vidéo publiée le 7 août sur ses réseaux sociaux que le rappeur a levé le voile sur ce projet, qu’il qualifie lui-même de « dette envers la culture ». Il a annoncé que l’album sortira officiellement le 15 août 2025, marquant une date à retenir pour les amateurs du genre. Une formule forte, qui en dit long sur son intention : redonner au rap ce que celui-ci lui a offert — en authenticité, en force, en identité
Mais pour mesurer la portée de ce retour, il faut remonter aux origines du personnage. Avant que la scène ne le connaisse sous le nom de Toby Anbakè, il s’appelait Owen Martinez Fava, jeune passionné de hip-hop formé au sein d’un collectif de MCs dans le Nord du pays. C’est là qu’il forge son alias Toby Anbakè, tiré de son premier hit personnel intitulé Anbakè.
Depuis, Toby a multiplié les explorations sonores. Entre son premier album Migrasyon (2018) et sa mixtape Vibe sou Vibe (2022), il a construit une discographie éclectique, oscillant entre introspection, romantisme urbain et poésie de rue. Des titres comme M Tris, Panne Gaz, M anvi wè l, Strong Girl ou encore Happy Birthday ont touché le public par leur justesse émotionnelle et leur sensibilité mélodique. Toby s’est imposé comme l’un des visages phares du rap love haïtien — un registre qu’il a su incarner avec sincérité, loin des codes rigides du rap traditionnel.
La voix de « Pa ka zanmi fi » a longtemps voyagé au cœur des sons urbains. Du rap au R&B, elle s’est aventurée dans le dancehall, a flirté avec l’électro, glissé vers la trap, traversé la techno. Toby a brassé les styles comme on cherche des chemins, fusionné les rythmes comme on tisse des ponts. Mais aujourd’hui, il revient là où tout a commencé : le rap. Un retour intime, sans masque, comme un appel à retrouver sa voix première.
L’album à venir sera décliné en deux versions : Nothing to Lose et Still Nothing to Lose. Une manière de souligner que la détermination est toujours là — plus ferme encore. Que même après les succès, la reconnaissance, les tournées, le besoin de dire reste entier. Et qu’il n’a rien à perdre, sauf peut-être le silence.
Alors que d’autres figures emblématiques du rap kreyòl préparent aussi leurs prochaines cartouches, le retour de Toby dans une forme dépouillée et frontale s’impose comme un signal fort. Ce n’est pas juste un album. C’est une prise de position. Une réponse à ceux qui auraient pu croire que la flamme s’était éteinte.