Nouvèl ak Analiz

Mourir en uniforme, une condamnation au silence et à l’oubli pour les policiers

Vant Bèf Info (VBI). Vant Bèf Info (VBI) – vien de publier cet article

Les policiers haïtiens tombent presque chaque semaine sous les balles des gangs armés. Pourtant, derrière chaque uniforme criblé d’impacts, c’est un même constat qui revient : pas d’enquête systématique, pas de cadre légal pour les autopsies, pas de mécanisme clair de soutien aux familles. À la douleur de la perte s’ajoutent le silence des institutions et l’indifférence de l’État.

Une guerre sans garantie

Port-au-Prince, 21 août 2025 – Dans la capitale comme en province, les policiers de la PNH mènent une guerre ouverte contre les groupes armés. Mais leur engagement se fait dans une insécurité totale, jusque dans la mort.
« On est prêts à affronter les gangs, mais quelle garantie pour nos enfants, pour nos familles ? », confie un agent d’une unité anti-gang, sous couvert d’anonymat.
Ce sentiment d’abandon nourrit une colère croissante dans les rangs policiers et chez les proches des victimes.

Le vide légal, terreau de l’impunité

Pour le colonel à la retraite Himmler Rebu, la racine du problème est claire : « En Haïti, il n’existe aucune loi encadrant les enquêtes sur les policiers tués en service. Sans autopsie fiable, impossible d’établir les circonstances exactes des décès. »
Un constat aggravé par le manque criant de médecins légistes dans le pays, qui rend quasi impossible toute expertise scientifique digne de ce nom.

Des pratiques floues et un soutien limité

Une source proche du haut commandement de la PNH reconnaît que les autopsies de policiers ne sont prévues ni par la loi haïtienne, ni par les règlements internes de l’institution. Dans certains cas, des mesures d’exception seraient toutefois prises.
Concernant l’accompagnement, la hiérarchie affirme être présente lors des funérailles. Mais sur la question des salaires suspendus ou confisqués quelques mois après la mort des agents, silence radio.

Le calvaire des familles

Maryse Neptune, veuve d’un policier tué en 2021, raconte une vie brisée :
« Mon mari est mort pour ce pays. Mais après, c’est comme si nous n’existions plus. J’ai tout perdu », témoigne-t-elle. Ni pension, ni prise en charge psychologique, ni assistance durable. Elle élève seule ses deux enfants, abandonnée par les institutions qui avaient pourtant fait de son époux un “héros en service”.

Des chiffres qui accablent l’État

Selon un rapport du RNDDH publié en juin 2025, 33 policiers ont été assassinés entre juin 2024 et juin 2025, dont 16 au premier semestre de cette année. Près de la moitié appartenaient à des unités spécialisées, les plus exposées mais aussi les moins protégées.
Chaque décès est une tragédie individuelle, mais ensemble, ils dessinent une même réalité : celle d’une institution livrée à elle-même et de familles condamnées à la précarité.

Mourir pour la patrie, mais à quel prix ?

Dans un pays en proie à une violence endémique, les policiers sont en première ligne. Pourtant, leur mort ne débouche sur aucune garantie : ni enquête sérieuse, ni justice, ni mémoire officielle.
Les agents ne réclament pas de décorations spectaculaires. Ils demandent simplement ce qu’une société digne doit à ses défenseurs : la dignité, la justice, la mémoire et des garanties pour leurs proches.

Judelor Louis Charles
Vant Bèf Info (VBI)

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