Les déclarations explosives d’Elioth Pierre Paul, commissaire du gouvernement des Cayes, jettent une lumière crue sur un dilemme national : jusqu’où peut-on aller pour lutter contre l’insécurité ? L’assassinat brutal de Gerson Borgat, un homme d’affaires respecté, semble avoir été la goutte de trop. Le mercredi 9 avril 2025, sur les ondes de Lebon FM, le commissaire a délaissé son rôle de gardien de la loi pour endosser celui de chef de guerre. Son appel sans détour : « Déclarez vos armes et abattez les bandits sur place. »
« M pale, m kanpe dèyè l », a-t-il martelé, assumant pleinement ses propos. Plus choquant encore, son avertissement lancé aux familles des suspects : « Ne venez pas réclamer leurs corps. » Des mots qui sonnent comme un aveu d’impuissance face à des gangs tout-puissants, et qui alimentent un sentiment croissant de chaos institutionnel.
Légitime défense ou justice populaire ? La fine ligne rouge
Le Code pénal haïtien encadre de manière stricte le port d’armes et la légitime défense (article 269-1). Mais la réalité sur le terrain est toute autre : le vide sécuritaire pousse de nombreux citoyens à s’armer. En validant cette pratique, le commissaire Pierre Paul légitime un climat d’autodéfense — au risque de glisser vers l’anarchie.
Comment distinguer un bandit d’un rival personnel ou politique ? Pour certains, cet appel ressemble à un feu vert au règlement de comptes. D’autres s’inquiètent : lorsque l’État cautionne la violence extrajudiciaire, ne devient-il pas semblable aux criminels qu’il prétend combattre ?
La colère du commissaire est compréhensible, dans un contexte où les autorités locales sont souvent livrées à elles-mêmes. Mais son remède pourrait bien empirer le mal. Entre l’inaction d’un État fantôme et les dangers d’une société armée, Haïti est à la croisée des chemins. La seule voie durable : reconstruire une justice crédible, capable d’assurer la sécurité sans sombrer dans la loi du talion.