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Cap-Haïtien : un joyau enseveli sous la « boue »

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Par Wandy CHARLES

Cap-Haïtien demeure aujourd’hui la seule porte d’entrée aérienne fonctionnelle du pays, un carrefour obligé où convergent dignitaires en mission, artistes en tournée, chefs d’entreprise et pèlerins en quête d’un souffle. Cette cité, à la fois historique et stratégiquement positionnée, accueille une multitude d’événements nationaux : manifestations culturelles, rencontres politiques, forums économiques. Elle vibre, chaque soir, au rythme de son « Boulevard » illuminé, animé par les restaurants, hôtels et clubs qui prolongent les promesses de vie dans un pays étranglé par l’insécurité. Au-delà du vernis scintillant, le Cap s’essouffle.

Explosion démographique : une ville au bord de l’asphyxie

Le Grand Nord est devenu un refuge contraint pour des milliers de déplacés internes, fuyant les zones rouges de la capitale et d’autres régions sous emprise armée. Le Cap-Haïtien, naguère paisible, est désormais sous tension. La ville croule sous une pression démographique sans précédent.

Abigaïl, jeune bachelière venue de Carrefour, y a trouvé un abri, incapable de rejoindre Port-au-Prince pour ses études. Mackenson, ancien résident de Christ-Roi, a survécu à l’incendie de sa maison et à l’exécution de sa famille. Il travaille aujourd’hui dans un hôtel du centre-ville, hanté mais debout. Derrière chaque visage, un drame silencieux, un exil intérieur, un renoncement.

A l’instar de ces jeunes, des milliers de personnes se sont ruées vers le Cap Haïtien, chacune pour une raison. La ville grouille de monde. C’est visible. La pression démographique est forte et dire que la deuxième ville du pays n’a pas été aménagée a cet effet.

Circulation : le chaos permanent

Le deuxième fléau qui gangrène la ville est l’asphyxie circulatoire. Cap-Haïtien n’a pas été conçue pour contenir un tel flux humain et motorisé. À l’explosion démographique s’ajoute l’invasion des motocyclettes, des tricycles, des taxis improvisés. Les rues se figent sous des embouteillages monstrueux où les pare-chocs s’effleurent dans une cacophonie d’injures et de klaxons rageurs.

« Il y a plus de motos que d’habitants », s’indigne Gandhi « LeMétronome » Dorsonne. La traversée d’un quartier devient une odyssée imprévisible. Les piétons slaloment, jouent a la marelle entre les véhicules. Les trottoirs, accaparés par des marchands agglutinés comme des essaims, accentuent la congestion. Le Cap s’étouffe dans son propre mouvement.

Insalubrité : entre abandon et résignation

Mais le spectacle le plus affligeant reste sans doute l’insalubrité chronique. À l’exception du boulevard central et de quelques rares artères entretenues pour la forme, la ville est livrée à la crasse et aux ordures. Des montagnes de détritus trônent à chaque coin de rue, formant des repères plus visibles que les panneaux de signalisation.

« Je ne comprends pas comment des autorités rémunérées pour agir peuvent tolérer ce désastre au quotidien », lâche James, chauffeur de taxi croisé à l’aéroport. Les immondices cohabitent avec les habitants, s’installent dans leurs respirations, s’infiltrent dans les assiettes, deviennent une part invisible mais constante du décor urbain. Le service de voirie, s’il existe encore, est manifestement en état de coma profond.

Une promesse négligée

Et pourtant, malgré tout, le Cap garde une aura. Il pourrait être le socle d’un tourisme intérieur en pleine éclosion, un bastion d’activités économiques viables, une scène pour la culture, un havre pour les initiatives citoyennes. Mais il est abandonné. Par ses propres autorités locales. Par l’État central. Par ceux-là mêmes qui vantent ses atouts sans jamais lui offrir les moyens de ses ambitions.

Aucun plan structurant. Aucun projet d’envergure. Aucun accompagnement stratégique. Rien que des visites de façade et des promesses qui se désagrègent dans la poussière.

Cap-Haïtien aurait pu être un joyau. Il l’est encore, à bien y regarder, sous les couches de boue, d’indifférence et de renoncement. Mais il faudra plus que des vœux pieux pour le dégager de son enlisement. Il faudra une volonté. Une vision. Et enfin, une action.

Vant Bef Info (VBI)

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