Les États-Unis sont en train de miner les fondations mêmes de leur économie. En multipliant les rafles contre les travailleurs migrants sur les chantiers, notamment en Floride, en Louisiane et à New York, les autorités fédérales et locales s’attaquent à une main-d’œuvre vitale, sans laquelle le secteur du bâtiment est voué à l’effondrement.
Aujourd’hui, un ouvrier sur quatre dans le BTP est un immigrant, selon l’American Immigration Council. Ce chiffre monte jusqu’à 75 % dans certaines métropoles comme Miami. Ce sont des Mexicains, des Honduriens, des Guatémaltèques, des Colombiens… souvent sans papiers, mais avec des mains d’or. Ils bâtissent les maisons, les écoles, les routes — sans eux, les grues s’arrêtent, les chantiers se vident.
Les récentes arrestations massives, comme celle de plus de 100 ouvriers à Tallahassee, sèment la terreur sur les sites de construction. Les entreprises, déjà en difficulté pour recruter, voient leur productivité chuter. À ce rythme, jusqu’à 1,8 million de travailleurs pourraient disparaître, alors que le secteur a besoin de 454 000 nouveaux ouvriers d’ici 2025.
En Floride, État en proie à une crise du logement depuis 2018, les conséquences seront désastreuses. Selon Ned Murray (Florida International University), près de 432 000 migrants y travaillent dans la construction. Sans eux, non seulement les prix de l’immobilier flamberont, mais les délais de livraison des logements exploseront.
Derrière ces opérations, certains évoquent un objectif hérité de l’administration Trump : atteindre 3 000 expulsions par jour. Une politique d’apparence ferme, mais aux conséquences structurelles dévastatrices. Expulser ceux qui bâtissent, c’est menacer l’avenir même du pays. Car comment répondre à un déficit de 3,7 millions de logements si ceux qui doivent les construire sont pourchassés ?
Construire ou détruire ? Le dilemme est là. En s’attaquant aux travailleurs migrants, l’Amérique ne défend pas ses intérêts : elle les sabote. L’histoire retiendra peut-être que ce ne sont pas les murs qui ont manqué, mais les mains pour les ériger.