Ankèt

Cheffe Leen, au feu sacré de la mémoire haïtienne, inscrit un record éternel dans le cœur et l’âme d’un peuple meurtri

Elle l’a fait ! Oui, elle l’a fait — et elle l’a fait pour nous, pour Haïti, pour cette terre blessée mais inébranlable. Du 7 au 15 avril 2025, Danaisa Excellent, connue et chérie sous le nom de Cheffe Leen, a cuisiné sans relâche pendant 192 heures, battant le précédent record mondial de 168 heures. Mais au-delà du chiffre, il y a la symbolique. Ce n’est pas simplement une performance culinaire. C’est une offrande, un sacrifice, une prière, un chant d’amour adressé à son peuple.

Dans la chaleur oppressante de sa cuisine, entre les vapeurs de girofle, les parfums d’ail, de persil, de thym et de piment doux, elle a bâti une cathédrale de saveurs. Chaque plat préparé devenait une page de notre histoire servie dans des assiettes fumantes. Elle n’a pas seulement cuisiné : elle a transmis, incarné, magnifié. De ses mains est née une symphonie d’épices et de textures, un cri d’espérance qui dit : « Nous sommes encore debout. Nous sommes encore là ! »

Car il y avait de tout dans ses marmites. Il y avait le diri sòs pwa, noir comme la terre nourricière, nappé de ce goût inimitable d’ail écrasé et d’huile colorée. Il y avait le légume, ce mélange noble et ancestral de choux, aubergines, carottes, épinards, courges et crabes, tissé d’une mémoire africaine. Il y avait la soup joumou, cette soupe de la liberté, qu’aucun Haïtien digne de ce nom ne saurait manger sans penser au 1er janvier 1804, au sang de nos ancêtres. Il y avait du griyo, croustillant et tendre, des bannann peze, dorées comme le soleil du matin, du mayi moulen, des bouillies, du tchaka. Et pour veiller tard dans la nuit : le café haïtien, noir et corsé comme un serment ; le chocolat chaud, velouté et fumant comme un conte d’antan ; et l’akasan, nectar épais de nos dimanches d’enfance.

À travers ces plats, Cheffe Leen a restauré bien plus que des ventres : elle a restauré l’âme. Elle a rappelé à chacun de nous que, même dans la tourmente, la culture haïtienne continue de fleurir, indomptée, flamboyante. La cuisine devient alors acte de foi, acte de résistance, acte d’amour. Et à chaque cuillerée servie, c’est une part de dignité qu’elle redonnait à son peuple.

Cette performance n’est pas née d’un caprice de célébrité. Non. Elle est née d’un cri silencieux que tout Haïtien porte en lui : « Ne nous oubliez pas. Regardez-nous, fiers malgré la douleur. » Elle a cuisiné pour ceux qui n’ont plus rien, pour ceux qui doutent, pour ceux qui espèrent — comme chacun de nous qui fuyons les balles des terroristes sous le silence complice des dirigeants prétendument haïtiens. Chaque heure passée debout était une offrande à la mémoire collective, un acte de transmission vers les générations futures. Dans un pays meurtri par les armes, la pauvreté et l’abandon, elle a brandi une louche comme on brandit un flambeau.

Cheffe Leen est devenue, le temps d’un exploit, la prêtresse d’un peuple. Un griyo moderne. Une passeuse de mémoire. Elle a prouvé que la culture ne meurt pas dans les flammes : elle se rallume, plus vive encore, dans les foyers qu’on croyait éteints. Là où beaucoup ne voient qu’un pays qui tombe, elle a montré un pays qui mijote son renouveau.

Ce record ne doit pas seulement entrer dans le Guinness. Il doit entrer dans nos cœurs. Il doit être raconté aux enfants, chanté dans les écoles, sculpté dans le marbre de notre fierté. Car Cheffe Leen a fait plus qu’un exploit : elle a semé un grain d’espoir, dans une terre qu’on disait stérile, et ce grain, déjà, germe.

Oui, elle l’a fait. Et par elle, c’est tout un peuple qui se relève. Avec des épices pour armes, avec des saveurs pour langage, avec l’âme en feu. Et si l’Histoire devait un jour oublier le goût de notre terroir à cause de nos politiciens, qu’elle se souvienne au moins d’elle. Pourvu qu’elle se souvienne de Cheffe Leen, celle qui, pendant 192 heures, a cuisiné l’immortalité.

Pour Cheffe Leen, pour Haïti, pour l’histoire, pour notre fierté !
Et

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