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Coordination du CPT : changement de visage, continuité de crise ?

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Par Wandy Charles

La rotation à la tête du Conseil Présidentiel de Transition (CPT), qui devrait être marquée ce 7 août par la passation de coordination entre Fritz Alphonse Jean et Laurent Saint-Cyr, n’est pas qu’un simple changement protocolaire. Elle cristallise une interrogation essentielle : la transition haïtienne obéit-elle à une logique de continuité institutionnelle ou à une mécanique circulaire sans cap ni impact réel ?

Conçu comme un organe collégial devant préparer la sortie de crise et jeter les bases d’un retour à l’ordre constitutionnel, le CPT porte en lui une ambition historique : refonder la gouvernance haïtienne sur les ruines d’un État affaibli, secoué par l’illégitimité politique, l’effondrement sécuritaire et la désespérance sociale. Mais à l’épreuve du pouvoir, cette ambition se heurte à la réalité d’un appareil fracturé, où les initiatives s’essoufflent, les intentions se neutralisent, et le pilotage s’efface derrière le poids des blocages.

Fritz Jean : un mandat mesuré mais sans impulsion structurante

Économiste respecté, ancien gouverneur de la BRH, Fritz Jean a accédé à la présidence du CPT le 7 mars 2025 dans un contexte de vive tension sécuritaire et de méfiance institutionnelle. Son discours inaugural avait les accents d’une urgence lucide : « Le pays est en guerre », affirmait-il, appelant à un budget de guerre, au renforcement de la Police nationale, et à une offensive contre les structures de corruption.

Sur le papier, les intentions étaient nettes. Il a plaidé pour l’accélération des réformes, la moralisation de la gouvernance et la tenue du référendum et des élections en 2025. Il a même, fait rare, adressé une lettre officielle au Premier ministre, demandant des comptes sur plusieurs dossiers financiers majeurs, dont l’usage opaque de 17 millions de dollars d’actifs publics.

Mais dans les faits, peu de ces intentions ont été traduites en actes concrets. Les réunions du CPT se sont espacées, les décisions se sont figées, et le Premier ministre est demeuré hors de portée de tout contrôle réel. Les attentes se sont muées en résignation. L’action de Fritz Jean n’aura pas marqué une rupture durable avec l’immobilisme.

Saint-Cyr attendu au tournant

C’est donc Laurent Saint-Cyr, représentant du secteur privé, qui doit désormais hériter du flambeau de la coordination du CPT, selon le principe de rotation adopté par les membres du Conseil. Produit du monde économique, il est attendu sur un double front : réactiver l’élan collectif du Conseil et clarifier la feuille de route de la transition.

Mais il arrive dans un climat de fragmentation. En interne, les tensions larvées entre blocs politiques, accusations de favoritisme et méfiance mutuelle grèvent la dynamique de travail. En externe, la société civile s’impatiente, la diaspora observe, et les partenaires internationaux s’inquiètent du manque de résultats tangibles.

Pour Saint-Cyr, le défi est donc immense : restaurer la crédibilité d’un Conseil de plus en plus perçu comme un organe figé, raviver l’autorité politique du leadership collectif, et mettre l’État sur les rails d’un agenda électoral réaliste, transparent et inclusif. Sans oublier le gros du dossier, la priorité des priorités : la sécurité. Pourra-t-il finalement trouver la bonne formule pour combattre les gangs, les neutraliser et permettre aux paisibles citoyens de pouvoir enfin vaquer sans être inquiétés a leurs occupations.

La tentation du statu quo

À chaque passation de coordination au sein du CPT, une tentation rôde : celle de la continuité molle, où la rotation devient un simple rite sans portée, un passage de témoin sans direction. Pourtant, Haïti n’a plus le luxe de l’attentisme. La société exige des actes, des réformes, des résultats. Et le temps joue contre la stabilité.

Cette transmission à la tête du CPT ne saurait être un exercice formel. Elle doit devenir un signal politique fort : celui d’un engagement renouvelé, d’une responsabilité partagée, et d’une volonté réelle de sortir le pays du marasme.

La question n’est donc pas de savoir qui coordonne, mais où l’on va. Car en l’absence d’un cap clair, la rotation devient diversion, et la transition un naufrage différé. Le Conseil Présidentiel de Transition est encore attendu sur l’essentiel : tracer une voie vers la souveraineté, la sécurité et la légitimité démocratique. Et cette voie ne se construit ni dans l’ambiguïté, ni dans l’hésitation, mais dans la rigueur, le courage et la clarté d’action.

Vant Bèf Info (VBI)

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