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Des chimères aux gangs : 20 ans d’évolution de la violence armée en Haïti

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Depuis deux décennies, Haïti est plongée dans une insécurité où des groupes armés ultra-violents servent d’appui politique. Aujourd’hui, la capitale est presque entièrement sous le contrôle de gangs. Vingt ans d’évolution de la violence armée, des chimères aux gangs actuels. Comment en est-on arrivé là ?

Port-au-Prince, le 25 mars 2025.-Au début des années 2000, le terme chimères, alors nouveau, désignait des groupes de jeunes militants armés issus des quartiers populaires. Ils étaient mobilisés pour défendre le régime de Jean-Bertrand Aristide. Ces milices urbaines ont joué un rôle clé dans la protection de Lavalas face aux opposants politiques, ayant recours à l’intimidation, aux attaques ciblées et aux manifestations violentes.

« Ces jeunes sont les défenseurs de la démocratie et de la souveraineté nationale », déclarait Jean-Bertrand Aristide en 2003 lors d’une interview, mettant en avant l’importance des chimères.

Après la chute du président Aristide en 2004, Haïti est entrée dans une période de transition marquée par la présence de la Mission des Nations unies pour la stabilisation en Haïti (MINUSTAH). Malgré les efforts pour restaurer l’ordre, l’ONU peine à désarmer les groupes armés. La pauvreté chronique et le chômage massif des jeunes favorisent la réorganisation de ces groupes, tandis que l’effondrement des institutions les pousse à se structurer sous forme de gangs plus organisés.

« La prolifération des gangs en Haïti est directement liée à l’absence de perspectives économiques. Elle s’explique aussi par la faiblesse des institutions étatiques », observait en 2006 Robert Muggah, spécialiste en sécurité internationale.

L’absence de l’État et les parrainages politiques menant au chaos

Sous la présidence de Michel Joseph Martelly (2011-2016), les liens entre pouvoir politique et gangs deviennent de plus en plus visibles. Des chefs de gangs sont utilisés pour mobiliser des foules et intimider les opposants. Ils contrôlent également des zones stratégiques lors des élections. En échange, le pouvoir ferme les yeux sur leurs activités criminelles, qui incluent le trafic de drogue, les enlèvements et le racket.

« Nous sommes conscients des liens entre certains acteurs politiques et les gangs. Mais nos ressources limitées entravent nos actions », reconnaissait en 2014 Godson Orélus, alors directeur général de la Police nationale d’Haïti (PNH).

En 2018, la militarisation des gangs s’accélère et la situation sécuritaire se dégrade rapidement. Les gangs se renforcent, nouent des alliances stratégiques et bénéficient de financements suspects. Deux grandes coalitions émergent : le G9 an fanmi e alye, dirigé par l’ancien policier Jimmy Chérizier, alias Barbecue, et le G-Pèp, un groupe rival. Armés de matériel de guerre, ces gangs contrôlent des quartiers entiers et imposent leur loi.

« La militarisation des gangs en Haïti est le résultat d’années d’impunité. Elle est aussi due à la porosité de nos frontières, facilitant le trafic d’armes », expliquait en 2020 James Boyard, professeur de relations internationales à l’Université d’État d’Haïti.

L’effondrement total de l’État

Entre 2022 et 2025, la situation atteint un point critique. Selon les dernières données de l’ONU, au moins 5 601 personnes ont été tuées en Haïti en 2024 en raison de la violence des gangs, soit plus de 1 000 décès supplémentaires par rapport à 2023. Par ailleurs, 2 212 personnes ont été blessées et 1 494 enlevées durant cette période.

« Ces chiffres ne suffisent pas à rendre compte des horreurs absolues perpétrées en Haïti. Mais ils illustrent la violence incessante à laquelle la population est soumise », a déclaré Volker Türk, Haut-Commissaire des Nations Unies aux droits de l’homme.

En dépit de la présence des Forces armées d’Haïti (FAD’H), de la Police nationale d’Haïti (PNH) et d’une Mission multinationale de Soutien à la Sécurité (MMSS), opérationnelle depuis le 25 juin 2024, la situation continue de se détériorer. Des quartiers autrefois épargnés sont désormais classés zones rouges. Au lieu d’une amélioration, le chaos s’aggrave et aucune solution concrète ne semble envisagée, laissant la population sombrer dans le désespoir.

La montée en puissance des gangs n’est pas un phénomène spontané. Elle est le résultat de deux décennies d’échec politique, de démantèlement institutionnel et de complicité des élites. Des chimères aux gangs d’aujourd’hui, le fil conducteur est clair : l’instrumentalisation de la violence à des fins politiques et économiques.

Belly-Dave Bélizaire
Vant Bèf Info (VBI)

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