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Je suis monté à la chaire ce jour-là, rempli de crainte et de feu. Mon cœur battait. Mon âme tremblait. C’était ma première prédication, et je savais qu’on m’attendait comme on attend un miracle. On disait que j’étais promis à de grandes choses. Que j’étais oint. Que Dieu parlerait par ma bouche. Alors j’ai parlé. Et j’ai dit ce que personne n’ose dire. Ce que tout le monde sent, mais cache sous des hallelujahs fatigués.

Dieu ne sauvera pas Haïti. Il est mort. Et ce sont vous, les chrétiens, qui l’avez tué.

Je l’ai dit sans détour. Et je le répète. Dieu ne viendra pas réparer ce que vos mains ont cassé. Il ne reconstruira pas un pays que vos prières ne touchent plus parce que vos cœurs sont vides.

Comment peut-on prier autant, jeûner autant, lire la Bible chaque jour… et vivre dans une telle misère, une telle laideur, une telle honte collective ?

Ne comprenez-vous pas ? Ce pays est le reflet exact de vos églises. Pauvres. Divisées. Remplies de spectacles mais vides d’amour. On chante, on crie, on danse, mais on ne vit rien. On parle de Dieu, mais on ne le laisse pas vivre en nous.

Dieu nous avait donné une mission : dominer la création. Et que faisons-nous ? Nous subissons le chaos, l’injustice, la saleté, l’humiliation, comme si c’était normal. L’homme construit des fusées pour frôler le soleil, et vous, vous ne pouvez même pas construire un pont solide ou planter un arbre avec foi. Vous attendez Dieu. Vous attendez toujours. Mais Dieu n’attendait pas de vous l’attente. Il attendait l’action.

Vous attendez qu’il vienne sauver Haïti ? Il ne le fera pas. Parce que vous l’avez tué. À force de prêcher ce que vous ne vivez pas, de promettre ce que vous ne donnez pas, d’élever vos voix quand vos mains restent fermées.

Vous êtes le sel de la terre. Mais vous n’avez plus de goût. Vous êtes la lumière du monde. Mais vous avez mis votre lampe sous les mensonges, sous les compromissions, sous l’hypocrisie. Dieu veut l’excellence, vous offrez le minimum. Il veut l’extraordinaire, vous n’arrivez même pas à faire l’ordinaire. Vous êtes devenus des chrétiens de façade, des fidèles du néant. Chaque dimanche, vous chantez aux funérailles de Dieu.

Et vous vous demandez où est Dieu ? Mais regardez vos vies. Vos relations. Votre société. Vos rues. Vos prisons. Vos écoles. Vos discours. Dieu est mort. Et vous portez son cercueil en chantant faux.

Ce que vous dites donner à Dieu, si votre prochain n’en tire aucun fruit, alors vous ne lui avez rien donné.

Car Dieu n’attend rien de vous qui ne passe par le bien de l’autre. Il ne mange pas vos dîmes. Il ne vit pas dans vos cathédrales. Il attend la justice, la vérité, l’amour, le pardon, la construction, le soin, la cohérence. Mais vous ne lui donnez rien de tout cela. Vous donnez des mots. Et vous appelez cela foi.

Je suis monté ici aujourd’hui pour vous dire : Je vous ai cherchés. J’ai lu la Parole comme lumière. J’ai cherché dans les rues, dans les assemblées, dans les discours, dans les chants.

Mais je n’ai pas trouvé un seul véritable chrétien dans ce pays. Pas un. Pas même moi.

Et je suis tombé à genoux.

Et je me suis effondré en larmes. Je pleurais comme un enfant sans père. Comme un prophète sans peuple. Depuis ce jour, je n’ai plus jamais prêché. Ma voix s’est tue. Et dans les églises, on a dit que Dieu m’avait puni pour avoir blasphémé. Mais personne ne s’est demandé… Si ce n’était pas Dieu lui-même… qui avait pleuré en moi.

Deslande Aristilde
Vant Bèf Info (VBI)

Tabou/VBI

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