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Gangs haïtiens désignés comme terroristes : une mesure plus dangereuse qu’efficace, selon l’expert Diego Da Rin

Les États-Unis ont désigné, le vendredi 2 mai, la coalition de gangs « Vive Ansanm » et le gang Gran Grif comme des organisations terroristes étrangères. Ces deux groupes, actifs respectivement à Port-au-Prince et dans l’Artibonite, sont accusés de semer la terreur et de menacer la stabilité du pays. Pour Washington, cette décision marque un tournant. « L’ère de l’impunité est révolue », a déclaré le secrétaire d’État américain Marco Rubio.

Mais selon Diego Da Rin, chercheur à l’International Crisis Group, cette mesure pourrait causer plus de torts que de bien.

Dans un entretien accordé à RFI, l’expert s’interroge sur l’efficacité réelle d’un tel classement. Selon lui, le label de « terroriste » est avant tout un outil politique, qui a peu d’effet concret contre des groupes déjà en dehors de la loi. Pire encore, c’est une décision difficile à annuler.
« Si, un jour, on souhaite offrir une porte de sortie à certains membres de gangs, notamment aux jeunes enrôlés de force, cette désignation complique énormément les choses », explique-t-il.

Washington affirme également vouloir faciliter le transfert de certains chefs de gangs vers des prisons étrangères, comme celle du Salvador. Mais sur le terrain, les forces de l’ordre sont largement dépassées par la puissance des groupes armés. « La vraie question, c’est : comment capturer ces individus avant même de penser à les expatrier ? », souligne Diego Da Rin.

Ce classement soulève aussi des inquiétudes pour les acteurs humanitaires et économiques présents en Haïti. De nombreuses ONG ou entreprises sont parfois contraintes de dialoguer avec des groupes armés pour accéder à certaines zones. Désormais, ces contacts pourraient être considérés comme une infraction.
« Contrairement à d’autres sanctions, celle-ci ne prévoit aucune dérogation. Par précaution, plusieurs organisations risquent donc de suspendre leurs activités », avertit l’expert.

Enfin, Diego Da Rin craint que cette décision ne serve de prétexte pour expulser ou refuser des visas à certains Haïtiens vivant aux États-Unis, sur la base de soupçons de liens avec des gangs. Une mesure qui, selon lui, pourrait renforcer la stigmatisation d’une communauté déjà en grande détresse.

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