Vant Bèf Info (VBI). Vant Bèf Info (VBI) – vien de publier cet article
Par Wandy CHARLES
Il ne s’agit plus seulement d’une crise sécuritaire. Ce à quoi Haïti est confrontée depuis l’ascension brutale de la coalition Viv Ansanm, c’est à une entreprise méthodique de démolition : celle de l’État, de la culture, de la mémoire et de l’espérance collective. Depuis plus d’un an, des pans entiers du pays sont livrés à la merci de groupes armés, qui ne se contentent plus de rançonner et de tuer, mais s’emploient désormais à effacer les traces symboliques d’une nation déjà considérablement affaiblie.

Les faits parlent d’eux-mêmes et s’accumulent comme les braises d’un incendie mal éteint. En mars 2025, Radio Télévision Caraïbes, une des doyennes des médias haïtiens, a été ravagée par les flammes. Quelques mois plus tard, c’est le Grand Hôtel Oloffson, joyau architectural du patrimoine “gingerbread”, qui s’est effondré sous les flammes criminelles. La Bibliothèque nationale, haut lieu du savoir, a été pillée. À Croix-des-Bouquets, le musée communautaire Georges Liautaud, sanctuaire du fer découpé, a été vandalisé. Tous ces lieux, chargés d’histoire, porteurs de symboles et de savoirs, ont été ciblés, profanés, abandonnés. Pourquoi ? Parce que la violence aujourd’hui ne tue plus seulement les corps, mais elle assassine les repères.
La coalition Viv Ansanm, née de la fusion entre les gangs les plus puissants de Port-au-Prince, contrôle aujourd’hui plus de 80 % de la capitale. Elle ne se limite plus à l’extorsion ou aux règlements de comptes. Elle s’attaque désormais aux piliers mêmes de l’identité nationale, aux institutions culturelles, aux monuments, aux lieux de mémoire. Ce faisant, elle impose une nouvelle forme de terreur : celle qui brûle les symboles pour mieux régner sur le vide, celle qui remplace la République par le règne de la force.
Ce n’est pas un hasard si les bibliothèques, les musées, les radios et les hôtels de prestige sont désormais les cibles d’une guerre sans visage. Ce sont là les bastions de la culture, de l’éducation, de la mémoire collective. Les réduire en cendres, c’est déchirer les fils qui relient un peuple à son passé, à son identité, à sa dignité. C’est imposer l’amnésie par la terreur.
Or, ce désastre n’est pas tombé du ciel. Il est le fruit d’un effondrement programmé de l’autorité publique. En l’absence de réponse ferme, en l’absence d’un État fort, cohérent et protecteur, les gangs remplissent le vide laissé par la faillite institutionnelle. Ils dictent leurs lois, fixent leurs frontières, et désignent leurs ennemis, y compris la culture et la mémoire. Le saccage du quartier de Carrefour-Feuilles, les attaques contre desnpostes de police, de prisons, d’aéroports et de terminaux de carburant, confirment que leur objectif dépasse le simple territoire : les bandits armes et leurs patrons visent à remodeler le pays selon leur logique de domination.
Ce que vit Haïti aujourd’hui, c’est une mise à feu symbolique de la nation. Une destruction lente, perverse, qui se nourrit du silence, de l’impuissance et de l’habitude. Car à force de voir brûler nos monuments, nous risquons d’y voir une normalité. À force d’enterrer nos symboles, nous finirons par croire qu’ils ne méritaient pas d’exister.
Il est donc urgent, vital, de reconstruire non seulement les murs, mais aussi le récit national, de défendre nos institutions culturelles avec la même ardeur que nos postes de sécurité. La mémoire d’un peuple est un bien stratégique. La laisser périr, c’est offrir la victoire à ceux qui veulent régner par la peur.
Viv Ansanm n’a pas seulement mis le feu aux quartiers. Elle a allumé une guerre contre la culture, contre la citoyenneté, contre la République. Et cette guerre, si elle n’est pas arrêtée, ne laissera derrière elle que des cendres…
Vant Bef Info (VBI)
L’article Haïti, brûlée vive : quand les gangs incendient la mémoire du pays est apparu en premier sur Vant Bèf Info (VBI). Vant Bèf Info (VBI) –