Vant Bèf Info (VBI). Vant Bèf Info (VBI) – vien de publier cet article
Par Wandy CHARLES
Le 27 juin dernier, l’Organisation des États américains (OEA), par résolution, a esquissé une nouvelle tentative de sauvetage d’Haïti, en proposant une feuille de route censée baliser le chemin vers la stabilité. Cinq piliers, une vision multisectorielle, un plan d’action à 45 jours, un financement estimé à 1,3 milliard de dollars : sur le papier, tout semble pensé, structuré, presque rassurant. Pourtant, cette proposition soulève déjà un faisceau de critiques. Doutes sur la méthodologie, scepticisme quant à sa faisabilité, soupçons d’ingérence : derrière les slogans d’espoir, les fissures sont profondes.

La feuille de route repose sur un postulat fort : celui de construire, avec le gouvernement haïtien, un plan coordonné de sortie de crise, intégrant sécurité, aide humanitaire, légitimité électorale, gouvernance et développement durable. Mais comment prétendre bâtir une stratégie nationale lorsque le pays demeure privé d’un pouvoir exécutif pleinement légitime, en proie à des luttes d’influence, et fragilisé par une insécurité endémique ?
La coordination promise entre l’OEA, le BINUH et la Mission multinationale de soutien à la sécurité (MSS) suscite, elle aussi, des interrogations. Certains observateurs évoquent une logique de cloisonnement technocratique, coupée des réalités du terrain. Où sont les acteurs locaux ? Les collectivités ? La société civile ? Les partis ? Une stratégie de stabilisation ne peut se limiter à une concertation diplomatique hors-sol.
« Proposer une vision dirigée par Haïti », affirme l’OEA. Mais comment parler de souveraineté lorsque les axes définis émanent principalement de bureaux étrangers et de diagnostics technocratiques ? Le document, tel que présenté, ressemble à une réponse standardisée à une crise profondément spécifique. Il esquive certaines questions fondamentales : quelles garanties de transparence ? Quels mécanismes de contrôle et d’évaluation ? Quelle représentativité dans les processus de consultation ?
Le financement, bien que conséquent, reste à ce stade hypothétique. Or, sans un engagement clair des bailleurs, sans une vision chiffrée et planifiée à moyen terme, cette feuille de route risque de n’être qu’un document de plus dans les tiroirs de l’inertie internationale.
Parmi les éléments les plus controversés figure la perspective, évoquée en coulisses, d’une forme de dialogue avec certains groupes armés. Cette orientation, perçue par une partie de l’opinion publique comme une normalisation de la violence, a déclenché une levée de boucliers. Comment justifier une telle option alors que ces mêmes groupes sèment la terreur, pillent, violent et exécutent en toute impunité ?
La paix, certes, suppose parfois des compromis. Mais la paix sans justice, sans mémoire, sans réparation, équivaut à l’oubli. L’idée d’impliquer ceux qui ont mis la République à genoux dans une dynamique de réconciliation sans condition paraît pour beaucoup à la fois moralement indéfendable et stratégiquement risquée.
Enfin, cette feuille de route reflète une autre limite, plus structurelle : celle de la dispersion des initiatives internationales. Depuis plus de deux décennies, Haïti est devenu un laboratoire de plans, de conférences, de « tables rondes », de missions spéciales, toutes promptes à promettre, peu enclines à durer. L’annonce récente d’une future conférence des bailleurs laisse entrevoir un énième sommet aux résultats incertains. Le pays n’a pas besoin d’une nouvelle promesse. Il a besoin d’alliés qui écoutent, d’actes qui engagent, et d’un État qui gouverne.
La feuille de route de l’OEA, dans ses intentions, n’est pas à rejeter d’un revers de main. Elle tente d’articuler, avec méthode, les urgences du moment. Mais elle pèche par excès de surplomb, par déficit de participation, par crainte du désordre populaire. Or, aucune solution durable ne peut émerger sans l’adhésion des Haïtiens eux-mêmes, dans leur diversité, leurs blessures, leurs espérances.
Haïti ne manque pas de plans. Elle manque de boussole. Et toute feuille de route, si elle veut mener quelque part, commence par la reconnaissance de ceux qui doivent la parcourir.
Vant Bef Info (VBI)
L’article Haïti-Crise : une feuille de route de l’OEA, mais sans boussole est apparu en premier sur Vant Bèf Info (VBI). Vant Bèf Info (VBI) –