« Les États-Unis sont conscients des tentatives de corruption signalées visant à compromettre la stabilité d’Haïti. Nous félicitons les membres du Conseil présidentiel de transition pour leur rejet de la corruption… », a écrit l’ambassade des États-Unis jeudi 1er août 2025.
Washington félicite un Conseil présidentiel de transition (CPT) gangréné jusqu’à la moelle, comme s’il incarnait une sorte de vertu républicaine. Pourtant, trois des neuf membres de ce Conseil, Smith Augustin, Emmanuel Vertilaire et Louis Gérald Gilles, ont été directement impliqués dans un racket de 100 millions de gourdes lié au Conseil d’administration de la Banque nationale de crédit (BNC). Une somme extorquée à l’ancien président du Conseil d’administration de la BNC pour rester en poste. Où est donc ce « rejet de la corruption » salué par l’oncle Sam ?
« …et réaffirmons notre soutien à leur collaboration avec le Premier ministre afin de contribuer à la stabilisation d’Haïti, dans l’intérêt national commun », a poursuivi l’ambassade.
Ce fameux « intérêt national commun » semble décidément très élastique. Il permet apparemment de fermer les yeux sur un Premier ministre, Alix Didier Fils-Aimé, qui, selon le Réseau haïtien des journalistes anti-corruption (RHAJAC), a bloqué l’utilisation de drones kamikazes contre les chefs terroristes les plus recherchés du pays. Le cas le plus flagrant remonte à l’opération policière de Dumay, où la position exacte de Vitelhomme Innocent avait été transmise à la Primature, sans qu’aucune frappe ne soit autorisée. Plutôt que de combattre le crime, il préfère investir dans des firmes de lobbying à Washington. Et l’ambassade applaudit.
« Nous tiendrons pour responsables quiconque cherchera à perturber cette coopération », a-t-elle conclu.
La menace est claire. Les véritables perturbateurs ne sont plus les criminels notoires, ni les politiciens corrompus, mais les journalistes, les militants, les citoyens critiques. Dans cette logique absurde, le RHAJAC lui-même pourrait bientôt être qualifié d’obstacle à la transition pour avoir osé pointer du doigt les alliances douteuses entre le gouvernement, le CPT, et le crime organisé.
Cette transition n’a plus rien de transitoire. Elle s’installe, sans calendrier électoral, sans réforme, sans direction claire. Pendant que des conseillers comme Emmanuel Vertilaire marchandent des portefeuilles ministériels au bénéfice de leur parti (Pitit Desalin), celui-ci propose le ministère de l’Agriculture à des individus comme Betty Lamy et Watson Sanon. Derrière leurs entreprises d’exportation d’anguilles se cacherait, selon le RHAJAC, un vaste réseau de trafic d’organes et de drogues. Même l’Organisation des Nations unies a reconnu l’existence de tels trafics, bien que sans en nommer les auteurs.
Alors quand les États-Unis saluent « le rejet de la corruption » dans un tel contexte, ils ne sont pas simplement incohérents, ils deviennent cyniques. Leur silence et leur appui résonnent comme une forme de complicité. En cherchant la stabilité à tout prix, Washington cautionne un système pourri jusqu’à l’os.
Pendant ce temps, les Haïtiens continuent de mourir dans l’indifférence. Selon le Bureau intégré des Nations unies en Haïti (BINUH), entre avril et juin 2025, 1.520 personnes ont été tuées, 609 blessées, 185 enlevées et 628 victimes de violences sexuelles. Le pays compte plus de 1,3 million de déplacés internes, fuyant la terreur quotidienne. Des enfants sont réduits en esclavage sexuel. Des policiers participent à des exécutions sommaires. Des drones explosifs tuent plus d’individus armés qu’ils ne neutralisent les chefs terroristes.
Face à ce tableau d’horreur, la diplomatie américaine choisit le déni, félicite des corrompus et menace ceux qui dénoncent indirectement. Quelle honte !