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Haïti – Sécurité : Le Kenya à la rescousse, mais en crise chez lui — Aide réelle ou symbole d’un échec collectif ?

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Alors que le Kenya fait face à une crise intérieure sans précédent — manifestations massives contre les réformes fiscales, répression violente, contestation généralisée menée par une jeunesse en quête de justice — le même pays se retrouve à la tête de la Mission multinationale de soutien à la sécurité (MMSS) en Haïti.

Port-au-Prince, 10 juillet 2025 – Des centaines de policiers kényans ont atterri à Port-au-Prince, une capitale où plus de 85 % du territoire échappe au contrôle de l’État haïtien et reste dominé par des gangs lourdement armés. Ce paradoxe soulève une question fondamentale : s’agit-il d’un réel acte de solidarité internationale ou d’un exercice diplomatique à visée symbolique — voire d’une humiliation déguisée pour Haïti ?

Un paradoxe géopolitique dérangeant

À Nairobi, le gouvernement kényan peine à contenir une vague de colère populaire et une instabilité croissante. Pourtant, il accepte de s’impliquer dans une mission de sécurisation à des milliers de kilomètres, dans un pays lui-même miné par l’effondrement de ses institutions.

Pour une partie de l’opinion haïtienne, cette opération illustre un double échec : celui du leadership international à comprendre la complexité de la crise haïtienne, et celui des autorités locales, incapables d’assumer leur propre souveraineté.

Le choix du Kenya — un pays confronté à ses propres fractures politiques et sécuritaires — pour « sauver » Haïti apparaît comme une décision à la fois symbolique et désespérément ironique.

Une mission perçue comme une gifle à la souveraineté haïtienne

Derrière les déclarations officielles et les postures diplomatiques, nombreux sont ceux qui dénoncent une mise en scène internationale, plus préoccupée par l’image que par l’impact réel sur le terrain. Depuis 1994, les missions successives — de la MINUSTAH au BINUH — n’ont pas empêché la montée en puissance des gangs ni freiné l’effondrement de l’État. Au contraire, ces interventions sont souvent perçues comme des instruments de contrôle politique plus que des leviers de sécurité durable.

Aujourd’hui, la mission kényane est accueillie avec scepticisme, dans un pays où la mémoire des interventions étrangères reste douloureuse. Nombreux sont les Haïtiens qui y voient une nouvelle forme d’humiliation, dans un contexte où les dirigeants haïtiens eux-mêmes sont accusés d’inaction, voire de complicité passive face aux violences : assassinats, viols, enlèvements, pillages, exécutions.

Théâtre de l’impuissance partagée ?

Cette opération soulève une interrogation cruciale : peut-on confier la restauration de la sécurité d’un État en faillite à une autre nation elle-même confrontée à de graves tensions internes ? Pour beaucoup, la mission kenyane symbolise moins une solution qu’un théâtre de l’impuissance partagée entre nations fragilisées.

Dans un pays qui fut jadis la première République noire indépendante, ce nouvel épisode d’ »assistance sécuritaire » semble davantage illustrer l’échec collectif à penser une voie haïtienne vers la stabilité. La reconstruction de la sécurité, affirment plusieurs voix locales, ne viendra ni de l’extérieur, ni sans une rupture profonde avec les logiques d’ingérence et de dépendance.

Jean Gilles Désinord
Vant Bèf Info (VBI)

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