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Ils bâtissent malgré tout : À Carrefour, l’entrepreneuriat devient une forme de résistance

Dans un pays où chaque jour est un combat pour la survie, où l’insécurité, les coupures d’électricité et les déplacements forcés fragilisent les espoirs les plus modestes, une autre réalité émerge — discrète mais puissante. Samedi 5 juillet, à l’auditorium du Mouvement Baptiste Évangélique d’Haïti (MEBSH), 38 jeunes entrepreneurs ont prouvé que la résilience peut être plus contagieuse que la peur.

Ils bâtissent malgré tout : À Carrefour, l’entrepreneuriat devient une forme de résistance

Réunis pour la graduation de la septième cohorte d’Antreprenarya San Dola, ces jeunes, dont plusieurs sont originaires de Carrefour, de Fontamara et de leurs environs, ont terminé avec succès une formation rigoureuse en entrepreneuriat. Mais leur véritable victoire dépasse l’obtention d’un certificat : ils ont résisté, bâti, projeté, malgré l’hostilité du contexte.

Ralph Adéclat Jean Baptiste, désigné lauréat de la promotion, a ému et impressionné le public par la clarté de son projet : un studio de beauté professionnel, développé en collaboration avec Natacha Pierre, une autre entrepreneure de la cohorte. Dans un pays en crise, ce choix d’entreprise, loin d’être anodin, répond à un besoin profond d’estime de soi, de dignité et de valorisation personnelle — en particulier chez les jeunes femmes. Le projet vise également à former et employer d’autres jeunes en situation précaire.

« Notre ambition, c’est d’offrir un espace où les gens puissent se sentir bien, beaux, importants. C’est aussi un acte de reconstruction intérieure », a confié Ralph, avec une maturité remarquable.

Derrière ce parcours, il y a Antreprenarya San Dola, une structure née de la vision de Monsieur Rubens Moreau et de Madame Withdèle-Bencka Cima. Loin des discours théoriques, leur approche repose sur l’ancrage local, la proximité et l’accompagnement personnalisé. Le programme, entièrement gratuit, s’adresse aux jeunes des quartiers populaires et leur fournit les outils nécessaires pour concevoir, structurer et faire vivre leurs idées d’affaires.

Depuis sa création, Antreprenarya San Dola se distingue par sa capacité à valoriser les intelligences marginalisées. Chaque participant devient non seulement un entrepreneur, mais aussi un acteur communautaire, un moteur de changement à échelle humaine. Le passage vers la deuxième phase du programme — l’incubation et l’implémentation des projets — s’ouvre maintenant pour ces 38 jeunes porteurs de solutions concrètes.

« Nous voulons former des bâtisseurs. Pas seulement des rêveurs », a souligné Madame Cima dans un discours empreint de conviction et d’humanité.

Ce moment, à la fois vibrant et solennel, a été honoré par la présence du parrain de la promotion, Sony Lamarre Joseph, directeur de Radio Lumière, entrepreneur accompli et écrivain. Dans une prise de parole très applaudie, il a souligné l’importance de soutenir les initiatives locales :

« L’entrepreneuriat, dans le contexte haïtien, ce n’est pas un luxe. C’est une manière de dire non à la défaite, de réaffirmer qu’on peut exister autrement. »

Le volet culturel de l’événement n’a pas été en reste. Les prestations d’Edison Juste, Paul Sax et Francesca ont apporté une touche artistique, ponctuant la cérémonie de notes d’espoir et de douceur.

Mais ce sont les témoignages des diplômés eux-mêmes qui ont le plus marqué les esprits. Des histoires de jeunes qui ont bravé le danger pour assister aux sessions, qui ont poursuivi leur apprentissage sans électricité, parfois même déplacés. Et pourtant, ils étaient là, bien présents, debout, le regard tourné vers l’avenir.

À travers eux, Carrefour se redessine autrement. Ce n’est plus seulement un territoire de violence, mais un foyer de courage, d’initiatives et d’intelligence collective. Et Antreprenarya San Dola devient, plus qu’un programme, un symbole : celui d’une jeunesse qui refuse de céder, et qui entreprend envers et contre tout.

Ils bâtissent malgré tout : À Carrefour, l’entrepreneuriat devient une forme de résistance

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