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Insécurité en Haïti : un désastre éducatif documenté par le FNE

« Fermetures d’écoles, déscolarisation massive et précarité extrême – Le rapport accablant du Fonds National de l’Éducation »

En pleine spirale de violence, Haïti assiste à l’effondrement silencieux mais brutal de son système éducatif. Dans un rapport alarmant publié lundi 10 juin 2025, le Fonds national de l’éducation (FNE) dresse un tableau sombre de l’impact dévastateur de l’insécurité sur les écoles et les familles déplacées. Menée auprès de 6.244 familles et 422 établissements scolaires, l’enquête révèle l’ampleur d’une crise sans précédent : écoles fermées, enfants déscolarisés, familles appauvries, et un avenir en péril pour toute une génération.

Depuis 2023, les violences de gangs dans les départements de l’Ouest, de l’Artibonite, du Centre et du Grand Sud ont contraint à la fermeture de près de 900 écoles, selon les données du FNE. À Port-au-Prince, plusieurs établissements publics ont été transformés en abris pour déplacés, devenant de fait inutilisables pour l’enseignement.

Certains directeurs tentent tant bien que mal de relocaliser leurs écoles dans des zones supposément plus sûres. Mais les conditions sont extrêmement précaires : absence de ressources, de cantines, de subventions. Le Projet d’appui aux écoles et familles d’élèves victimes de l’insécurité (PAEF) du FNE a recensé 193 écoles déplacées n’opérant plus sur leur site initial.

Familles déplacées : une précarité extrême

L’enquête menée par le FNE auprès de 6.244 familles déplacées, dont 70 % de femmes répondantes, met en lumière une précarité alarmante :

77 % des familles vivent chez des proches ou en location.

9,4 % survivent dans des abris précaires en tôle ou bâche.

Quelques familles dorment à la rue, ou trouvent refuge dans des commissariats, des écoles ou des camps de fortune.

Sur les 16.604 enfants concernés, 14.736 sont en âge scolaire. Avant leur déplacement, 13.624 étaient scolarisés. Aujourd’hui, seuls 9.473 le sont encore. Plus de 5.200 enfants ont quitté l’école – un chiffre tragique, qui s’explique principalement par le manque de moyens financiers. Près de 37 % des familles déclarent ne plus être en mesure de payer les frais scolaires.

Un appauvrissement généralisé

L’insécurité s’accompagne d’un effondrement économique qui frappe de plein fouet les familles et les écoles :

94 % des familles ont perdu leur source principale de revenu.

69 % vivent avec moins de 15.000 gourdes par mois (environ 110 dollars américains).

98 % n’ont reçu aucune aide humanitaire au cours des six derniers mois.

91 % ne peuvent plus payer la scolarité de leurs enfants, et 89 % sont endettées.

Les établissements scolaires eux-mêmes survivent dans des conditions précaires :
81 % n’ont pas de cantine pour nourrir les élèves.

93 % ne reçoivent aucune subvention, les laissant seuls face à l’urgence.

Des recommandations urgentes

La collecte des données par le FNE a été un défi logistique et humain. Manque de badges officiels, matériels défectueux, zones inaccessibles, méfiance des familles – souvent déçues par des promesses non tenues – et un délai trop court (5 jours seulement) ont compliqué le travail de terrain.

Malgré cela, le rapport est clair et sans équivoque. Il recommande :
Un renforcement de la planification stratégique et des capacités logistiques.
Un accompagnement humain et technique accru pour les familles et les écoles déplacées.
La mise en place urgente de cantines scolaires et de subventions dans les zones touchées.

Le rapport du FNE sonne comme un véritable signal d’alarme : l’insécurité détruit l’éducation, et avec elle, l’avenir du pays. Des milliers d’enfants sont laissés-pour-compte, privés du droit fondamental d’apprendre. Les familles sombrent dans la misère, et les écoles s’éteignent une à une, faute de moyens.

Sans une intervention rapide et coordonnée des autorités nationales et de la communauté internationale, le risque est immense : celui de perdre une génération entière à cause de la violence et de l’abandon.

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