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« J’ai peur de la nuit » : Haïti s’enfonce dans la terreur nocturne des terroristes

Chaque coucher de soleil est une menace. Dans plusieurs quartiers de la capitale haïtienne, la nuit n’est plus synonyme de repos, mais de peur et de survie. La violence des gangs armés, qui étendent leur emprise sur le pays, a transformé l’obscurité en un terrain de chasse où les habitants sont les proies.

« Dès que la nuit tombe, mon cœur bat plus fort », confie Marie-Suzy, 37 ans, mère de trois enfants vivant à Diègue, Pétion-Ville. « Je n’ose plus regarder par la fenêtre, car chaque bruit peut être le dernier que j’entends. J’ai peur de la nuit. »

Ce sentiment d’insécurité est partagé par des milliers d’Haïtiens, pris en otage par des groupes terroristes qui multiplient les kidnappings, les fusillades, les pillages et les assassinats ciblés. Selon les derniers rapports de l’Office des Nations unies en Haïti, plus de 5.000 actes de violence liés aux gangs ont été recensés au cours des trois derniers mois, la plupart survenant après la tombée de la nuit.

Quand la nuit devient un cauchemar

Dans des quartiers comme Martissant, Croix-des-Bouquets, Carrefour ou encore Cité Soleil, le simple fait de rentrer chez soi à la nuit tombée relève de l’exploit. Les gangs contrôlent les axes routiers, imposent des « frais de passage » et n’hésitent pas à ouvrir le feu sur ceux qui refusent de se soumettre.

« Nous vivons avec la peur au ventre. Quand le soleil disparaît, c’est comme si la ville était livrée aux monstres », raconte Dieudonné, chauffeur de taxi-moto, qui évite désormais de travailler après 6 heures PM.

Des foyers barricadés, une population traumatisée

Face à cette insécurité croissante, de nombreux habitants se barricadent dès la fin de l’après-midi. Les portes sont verrouillées, les fenêtres calfeutrées et les lumières éteintes pour éviter d’attirer l’attention. Les coupures de courant fréquentes plongent les rues dans une obscurité complète, une aubaine pour les criminels.

« On ne vit plus, on survit », souffle une commerçante du marché de Pétion-Ville. « Même nos enfants savent qu’à la nuit tombée, personne ne sort, personne ne parle fort. Ils ont appris la peur. »

Une réponse sécuritaire insuffisante

Malgré la présence de la Police nationale d’Haïti (PNH) et le déploiement partiel de la Mission multinationale de soutien à la sécurité (MMSS), les gangs semblent toujours avoir un coup d’avance. Mal équipées, sous-payées et démoralisées, les forces de l’ordre peinent à endiguer la spirale de violence.

Le gouvernement de transition appelle régulièrement à l’aide internationale, mais les résultats tardent à se faire sentir. Pendant ce temps, chaque nuit tombée rappelle aux Haïtiens à quel point leur vie tient à un fil.

Témoignage : la nuit, ce territoire interdit

Dans le quartier de Morette, Stéphanie, 24 ans, décrit son rituel nocturne : « Dès 5 heures, on arrête tout. On prie. On éteint la télé. Et on attend. Parfois, on entend des cris. Parfois, c’est le silence, encore plus effrayant. »

Comme des milliers d’autres, Stéphanie a appris à vivre avec cette peur constante. « Ici, la nuit ne sert plus à rêver. Elle sert à espérer survivre jusqu’à l’aube. »

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