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Kesner Pharel prévient sur les impacts de la suspension des activités de l’USAID en Haïti

L’arrêt prolongé des activités de l’Agence des États-Unis pour le développement international (USAID) en Haïti suscite de vives inquiétudes quant aux conséquences économiques et sociales pour le pays. Dans un contexte marqué par une crise multidimensionnelle, cette suspension représente un coup dur pour des secteurs clés tels que la santé, l’éducation, l’agriculture et l’aide humanitaire.

Intervenant dans la presse le samedi 15 février 2025, l’économiste Kesner Pharel met en lumière les risques d’un tel arrêt et souligne la nécessité pour Haïti de repenser son modèle de financement du développement.

Il s’agit d’un manque à gagner considérable pour le pays, selon l’économiste. L’USAID constitue en effet un partenaire de premier plan, avec une aide financière annuelle estimée à plus de 400 millions de dollars américains. En 2024, l’agence avait alloué 423,4 millions de dollars, soit environ 55 milliards de gourdes, représentant une part significative des 75 milliards de gourdes que le gouvernement comptait recevoir en dons pour financer ses programmes.

La suspension des financements remet donc en cause la mise en œuvre de nombreux projets, aggravant une situation déjà précaire.

Des organisations locales en difficulté

Plusieurs organisations locales, qui dépendent des subventions de l’USAID, subissent de plein fouet les effets de cette suspension. Certaines ont dû réduire leurs activités, voire licencier une partie de leur personnel. L’organisation féministe Marijàn, engagée dans la lutte contre les violences faites aux femmes dans les camps de déplacés, a par exemple été contrainte de licencier près de 35 % de ses effectifs.

Dans le domaine de la santé, l’arrêt des financements compromet la prise en charge de milliers de patients. Plusieurs centres de soins qui bénéficiaient de l’appui de l’USAID peinent désormais à fonctionner correctement, mettant en danger la vie de nombreuses personnes, notamment dans les zones rurales.

Un impact sur l’économie et la stabilité sociale

Selon M. Pharel, l’arrêt des activités de l’USAID ne se limite pas aux organisations bénéficiaires : il risque également d’affecter l’ensemble de l’économie haïtienne. En raison du manque de financement, plusieurs programmes de développement économique, notamment dans l’agriculture et les infrastructures, sont à l’arrêt. Cette situation pourrait entraîner une hausse du chômage et une augmentation de l’insécurité alimentaire, alors que le pays fait déjà face à une crise humanitaire aiguë.

Par ailleurs, la diminution de l’aide extérieure affaiblit les capacités de l’État haïtien à assurer des services publics essentiels. Ce contexte risque d’accroître le mécontentement social et d’exacerber les tensions au sein de la population.

Vers une autonomie financière ?

Face à cette crise, Kesner Pharel plaide pour une diversification des sources de financement afin de réduire la dépendance d’Haïti à l’aide internationale. Selon lui, le pays doit renforcer ses capacités internes en matière de mobilisation des ressources fiscales et encourager les investissements privés, tant nationaux qu’étrangers.

De plus, la recherche de nouveaux partenaires internationaux pourrait permettre de pallier, au moins en partie, le manque à gagner résultant de la suspension des activités de l’USAID. Une coopération renforcée avec d’autres acteurs régionaux et internationaux, tels que l’Union européenne, la Banque interaméricaine de développement (BID) ou encore les Nations unies, pourrait offrir des alternatives viables à court et moyen terme.

La suspension des activités de l’USAID en Haïti met en lumière la fragilité du modèle de développement du pays, largement tributaire de l’aide internationale. Si cette situation représente un défi majeur, elle constitue également, selon M. Pharel, une opportunité pour Haïti de repenser son autonomie financière et d’explorer de nouvelles stratégies de développement durable.

À défaut d’une réponse rapide et adaptée, le pays risque de plonger davantage dans une crise économique et sociale aux conséquences imprévisibles.

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