Nouvèl ak Analiz

La Constitution haïtienne, 38 ans après : le silence de la loi, le vacarme des armes

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Par Wandy CHARLES

Il y a 38 ans, le 29 mars 1987, le peuple haïtien se dotait d’une nouvelle Constitution. Cette charte fondamentale fut adoptée dans un élan de ferveur populaire et de volonté de rupture. Forgé au lendemain de la chute de la dictature des Duvalier, ce texte incarnait l’espérance d’un ordre démocratique fondé sur la souveraineté populaire, la séparation des pouvoirs et la sacralisation des libertés fondamentales. Trente-huit ans plus tard, ce pacte, ce contrat social, n’est plus qu’un mirage. La loi-mère demeure, sans voix, sous les décombres d’un État disloqué.

Ce 29 mars 2025, notre pays ne commémore pas, il constate. Haïti et ses enfants constatent l’effondrement d’un rêve démocratique à peine esquissé. À Port-au-Prince, l’ordre constitutionnel a cédé la place à la loi des armes. Dans cette capitale, où 85 % du territoire sont considérés comme perdus, les gangs lourdement armés imposent leur règne. Ni les tribunaux, ni la Police, ni même les écoles ne peuvent se réclamer d’une autorité supérieure à celle de la peur. L’unique aéroport international du pays est fermé depuis novembre 2024, et avec lui s’est éteinte l’idée même d’un État capable de gérer son espace aérien, ses frontières, ou son destin.

Là où la Constitution promettait des institutions stables, nous n’avons plus que des ruines administratives. Le Parlement est inexistant, la Présidence vacille dans l’informel, et la justice chancelle. Gouverner n’est plus exercer une légitimité, c’est survivre dans un système de compromis imposés par les armes. Ainsi, ce texte fondateur de 1987 n’est plus qu’un symbole fané, brandi parfois avec nostalgie, rarement avec pouvoir.

Mais comment protéger une Constitution lorsque ses garants eux-mêmes cèdent à la corrosion du pouvoir ou à la tentation de l’abus ? Ni les élites politiques, trop souvent complices de l’anomie, ni la société civile, trop divisée pour faire contrepoids, n’ont su défendre les principes de la République. Même le peuple, acculé, appauvri, déplacé par la violence armée, décapitalisé, semble désormais abdiquer. La démocratie est devenue un mot creux, vidé de sens par l’usure de la violence et l’indifférence étatique.

Et pourtant, ce naufrage n’est pas une fatalité. Au cœur du désastre, une nécessité s’impose : celle d’un nouveau contrat social. Il ne s’agit pas seulement de réécrire un texte, mais de réinventer une vision partagée d’un vrai vivre-ensemble. Cela exige courage, lucidité et renoncement aux intérêts égoïstes. Cela exige également que la parole retourne à ceux qu’on a réduits au silence : la jeunesse, les paysans, les étudiants, les enseignants, les femmes, les bâtisseurs invisibles de la nation.

En ce 29 mars, que l’on cesse de célébrer une Constitution désincarnée. Qu’on en fasse plutôt le point de départ d’un sursaut patriotique brutal. Le pays ne manque ni d’intelligences, ni de forces vives. Il manque d’un projet commun, d’une vision partagée, d’un socle fondamental, d’un contrat social capable de résister aux épreuves du temps.

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