Créé en 2003 sur six carreaux de terre dans le sud d’Haïti, le Jardin botanique des Cayes traverse aujourd’hui l’une des plus graves crises de son histoire. Véritable sanctuaire de la biodiversité haïtienne, ce centre de recherche et de conservation d’espèces rares – parfois endémiques – est au cœur d’un bras de fer foncier opposant la famille Paloma, propriétaire du terrain, à l’agronome William Cinéa, fondateur du jardin, avec l’État haïtien en spectateur passif à travers son ministère de l’Environnement.
À l’origine du projet, William Cinéa avait obtenu un prêt de la Banque nationale de crédit (BNC) pour louer la parcelle et y développer ce laboratoire à ciel ouvert, devenu au fil des années un centre de référence pour la préservation de la flore nationale. Chercheurs, étudiants et passionnés de botanique y ont trouvé un espace unique pour l’étude et la contemplation de la nature haïtienne.
Mais en 2018, un tournant décisif bouleverse l’équilibre : la famille Paloma propose la vente du terrain à 150.000 dollars US par carreau. Incapable de réunir une telle somme, Cinéa sollicite alors l’intervention de l’État. Un accord verbal aurait été trouvé avec Bruno Paloma, principal héritier, mais son départ à l’étranger pour des raisons de santé laisse le processus dans l’impasse.
Une bataille juridique aux lourdes conséquences environnementales
Depuis ce départ, la gestion du domaine est assurée par l’épouse de Bruno Paloma, qui s’oppose à la vente. La situation dégénère en une confrontation judiciaire complexe : une décision initiale ordonne la fermeture du Jardin botanique, avant d’être annulée. Néanmoins, les démarches judiciaires se poursuivent, avec des tentatives d’expulsion appuyées par la police et une tentative de mise sous scellés du site.
Entre-temps, des travaux entrepris sous la supervision de Mme Paloma ont gravement détérioré certaines zones du jardin, menaçant directement plusieurs espèces végétales rares. « Nous risquons de perdre à jamais des espèces uniques au monde. Ce jardin n’est pas seulement un espace scientifique, c’est un patrimoine national », a alerté William Cinéa lors d’une intervention sur Radio Magic 9, le lundi 18 août.
Silence honteux de l’État haïtien
Alors que des projets de construction seraient envisagés sur le site, l’avenir du Jardin botanique des Cayes demeure extrêmement incertain. Le silence prolongé de l’État haïtien face à ce litige foncier laisse planer le spectre d’une disparition irréversible de ce lieu emblématique, considéré par de nombreux spécialistes comme un « joyau de la biodiversité nationale ».