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Quand la PNH protège un « prophète » : 4 policiers, 1 soldat et un garde du corps pour Markinson Dorilas

Alors que des quartiers entiers vivent sous la terreur des gangs, que des milliers de familles fuient chaque semaine leur maison, et que les effectifs de la Police nationale d’Haïti (PNH) sont dramatiquement insuffisants, une révélation signée AyiboPost, ce 1er mai, fait l’effet d’une gifle au visage de la population haïtienne : le « prophète » Markinson Dorilas bénéficie d’un impressionnant dispositif de sécurité composé de quatre policiers, un soldat de l’armée et un garde du corps.

Oui, vous avez bien lu : pendant que la majorité des citoyens sont abandonnés à la merci des gangs, des agents issus des forces publiques sont affectés à la protection personnelle d’un chef religieux. Et ce, en dehors de tout cadre légal.

Markinson lui-même reconnaît que ces agents travaillent pour lui à titre privé, sans autorisation officielle. Mais alors, dans quel pays vivons-nous, si les forces de l’ordre peuvent servir des intérêts individuels, pendant que l’État s’effondre ?

Une pratique loin d’être isolée

Le cas Markinson n’est qu’un exemple parmi tant d’autres. Selon les révélations d’AyiboPost, des centaines de policiers et de soldats sont détachés, officiellement ou discrètement, auprès d’hommes d’affaires, d’anciens hauts fonctionnaires, de figures politiques ou religieuses — voire de simples amis du pouvoir. Plus choquant encore : certaines ti boubout, petites amies de dignitaires, bénéficient elles aussi d’escortes armées pour leurs courses ou leurs soirées.

On assiste ici à une dérive systémique : la PNH devient peu à peu un service de sécurité privée déguisé, au détriment de sa mission première — protéger la population.

Le peuple paie, les puissants profitent

Le plus révoltant, c’est que cette pratique coûte à l’État. Même lorsque les agents sont « prêtés » à titre privé, leurs salaires restent assurés par les fonds publics. Certains partagent même les primes reçues avec leurs supérieurs, selon les sources d’AyiboPost. Une forme de corruption institutionnalisée, pendant que les citoyens se barricadent ou fuient, sans aucun soutien de l’État.

À titre de comparaison, la PNH compte officiellement quelque 12 000 agents — un chiffre surestimé en raison des départs massifs à l’étranger et des assassinats. L’armée, elle, plafonne à 1 000 soldats. Pour 12 millions d’habitants, c’est dérisoire. Et pourtant, on puise dans ces maigres effectifs pour protéger des pasteurs, des politiciens ou des hommes d’affaires.

Quand l’État protège les siens, et oublie les autres

Ce qu’il faut comprendre, c’est que derrière ces détachements de policiers se joue une confiscation des institutions par une minorité. La sécurité est devenue un privilège réservé à ceux qui ont des connexions, pendant que le reste de la population doit compter sur la chance — ou sur Dieu.

Le scandale Markinson n’est pas un cas isolé. Il est un symbole. Un miroir tendu à toute une société où l’État ne joue plus son rôle, où l’impunité règne, et où les forces de l’ordre sont instrumentalisées à des fins privées.

Combien d’autres “Markinson” dorment chaque nuit sous protection pendant que les hôpitaux, les écoles et les marchés sont à la merci des gangs ? Combien de policiers sont réellement disponibles pour défendre le peuple haïtien ? Et surtout : combien de temps allons-nous encore tolérer que l’État serve si peu… aux frais de tous ?

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