À l’occasion de la Journée mondiale du travail social, le Groupe de réflexion et d’action en travail social (GRATS) ouvrira, mardi 18 mars prochain, un espace de dialogue inédit. Un colloque virtuel réunira étudiants, professionnels et chercheurs pour explorer un concept essentiel : la réflexivité en travail social. Dans un pays marqué par l’instabilité et des réalités sociales complexes, cette démarche critique se veut un levier d’émancipation et de transformation.
« Le travail social ne peut se contenter d’être un miroir des modèles occidentaux », souligne Stanley Philippe, coordinateur général du GRATS. En Haïti, les pratiques restent influencées par des approches extérieures, souvent inadaptées aux réalités locales. Face à ce constat, la réflexivité devient un outil de décolonisation intellectuelle, aidant à repenser l’intervention sociale en fonction des réalités haïtiennes. L’objectif est clair : bâtir une approche plus autonome, ancrée dans les dynamiques culturelles et historiques du pays.
Mais comment institutionnaliser cette réflexivité au sein des services sociaux haïtiens ? Cette question sera au cœur de la deuxième intervention du colloque. Un expert en politiques sociales estime que « sans un cadre institutionnel solide, toute tentative de changement demeure fragile. » Il plaidera pour une réforme des formations en travail social, intégrant une posture critique dès l’apprentissage.
L’insécurité, omniprésente, complique encore cette quête de réflexivité. Les travailleurs sociaux évoluent dans des zones où la violence gangrène le quotidien. « La peur fige la pensée », explique Stanley Philippe, soulignant les dilemmes éthiques qui en découlent. Comment prendre du recul sur sa pratique quand l’urgence impose l’action immédiate ?
Malgré ces défis, le colloque se veut une source d’inspiration et de propositions concrètes. À travers les interventions, une conviction se dégagera : la réflexivité doit être une discipline intégrée aux pratiques, et non un luxe théorique. « Il faut sortir d’une vision purement opérationnelle du travail social », insiste une chercheuse en sciences humaines. Penser son action, c’est mieux l’adapter, mieux la défendre, mieux la transformer.
Les échanges avec le public confirmeront l’urgence de cette réflexion. Étudiants et professionnels témoigneront des contradictions vécues sur le terrain. « On nous apprend des modèles inapplicables, et on nous demande de les faire fonctionner », s’indigne un travailleur social. La nécessité d’un cadre de référence propre à Haïti deviendra une revendication unanime.
Le GRATS entend aller au-delà des constats en formulant des recommandations concrètes. À l’issue du colloque, un document de synthèse sera produit pour structurer les pistes de réforme. « Nous voulons créer un outil accessible, un socle pour orienter la formation et la pratique », précise le coordinateur. Ce travail de capitalisation visera à ancrer durablement la réflexivité dans le paysage social haïtien.
Cette ambition dépassera le seul cadre universitaire. Les institutions et organisations du secteur social seront appelées à s’emparer des propositions issues du colloque. « C’est un engagement collectif, une responsabilité partagée », insiste une représentante du Noyau de réflexion en travail social. L’objectif : briser les carcans, bousculer les habitudes, repenser l’intervention sociale avec audace.
En clôture, une certitude s’imposera : la réflexivité est un combat à mener sur plusieurs fronts. Elle représente une résistance face aux modèles imposés, une riposte contre la précarité institutionnelle, une réponse face à l’urgence du terrain. Elle est aussi un pari sur l’avenir, une manière d’écrire une nouvelle page du travail social en Haïti. « Il faut penser pour agir mieux, et agir pour penser autrement », conclut Stanley Philippe.
Dans le tumulte des réalités haïtiennes, ce colloque tracera une voie : celle d’un travail social plus ancré, plus critique, plus audacieux. Il rappellera que la pensée éclaire l’action, que la réflexion en est le moteur, et que la lucidité est une nécessité. Et surtout, qu’il n’y a pas d’action efficace sans une conscience claire du monde qu’elle veut transformer.
