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Quand le CPT répond à la souffrance du peuple par des formules creuses et des promesses de Gascon

Alors que les violences gangrènent Port-au-Prince et d’autres régions du pays, forçant des milliers de citoyens à fuir leurs domiciles pour dormir dans les rues ou sur des places publiques, le Conseil présidentiel de transition, fidèle à lui-même, multiplie les formules creuses et les promesses intenables. Le gouvernement d’Alexis Didier Fils-Aimé a, pour sa part, publié une déclaration — d’une grammaire honteuse — censée rassurer. Mais au-delà de cette rhétorique vide, ce discours révèle surtout un écart inquiétant entre le langage officiel et la réalité du terrain, où chaque jour, de nouveaux territoires tombent aux mains des gangs, consolidant leur pouvoir.

Le texte s’ouvre sur une reconnaissance apparente de la souffrance du peuple : « Nous entendons votre voix et nous travaillons pour que vous puissiez bientôt rentrer chez vous. » Une phrase qui pourrait résonner juste si elle n’était pas répétée sans effet concret depuis des mois. Que signifie « bientôt » dans un contexte où l’insécurité progresse de jour en jour, sans qu’aucune stratégie claire n’ait été présentée au public ? Aucune mesure n’a été prise pour renforcer les effectifs de la Police nationale ou des Forces armées d’Haïti.

Le gouvernement affirme ensuite avoir « mobilisé les forces de l’ordre » pour contrôler les « malfrats ». Pourtant, cette mobilisation reste invisible dans les zones dominées par les gangs, où la police semble absente ou dépassée. La population ne voit ces forces qu’en de rares occasions — souvent pour disperser des manifestations pacifiques, comme celle du mercredi 16 avril 2025. Paradoxalement, c’est au nom de la sécurité qu’on réprime la voix du peuple, tandis que l’insécurité, elle, prospère. Comme le disait Edmund Burke : « Le mal triomphe lorsque les hommes bons ne font rien. » L’inaction des autorités face aux véritables sources de violence ne fait qu’aggraver le sentiment d’abandon collectif.

Plus loin, le texte appelle les citoyens à « défendre leurs droits pacifiquement », tout en les enjoignant à « rester vigilants, à surveiller tous les recoins ». Contradiction flagrante : comment manifester pacifiquement dans un pays où revendiquer ses droits est un acte risqué, et où même les zones censées être sécurisées deviennent le théâtre de tirs croisés ? Le peuple n’a pas besoin d’être invité à la vigilance : il y vit déjà en permanence, non par choix, mais par nécessité.

Le passage le plus controversé reste celui où les autorités annoncent qu’elles ne « toléreront aucun individu armé dans les manifestations », sous prétexte de prévenir les dérives violentes. Une posture qui pourrait sembler légitime, mais qui devient cynique dans un pays où les groupes armés opèrent librement, parfois avec la complicité supposée de certaines autorités.

Le CPT projette ainsi sur la rue une menace qu’il n’a jamais su — ni voulu — éradiquer à la source. Comme le disait Cheikh Anta Diop : « Quand le pouvoir est entre les mains de ceux qui n’aiment pas leur peuple, c’est la nation tout entière qui s’éteint. »

En appelant le peuple à « ne pas tomber dans les provocations de ceux qui l’ont mis dans cette situation », le gouvernement tente maladroitement de se dédouaner du chaos ambiant. Une tentative qui frise l’insulte à l’intelligence collective. Car si le peuple est dans la rue, ce n’est pas sous l’impulsion de mystérieux manipulateurs, mais parce que ses dirigeants, présents comme passés, ont trahi leur mission première : garantir la sécurité, la justice et la dignité de tous.

Le discours du CPT, loin de rassurer, agit comme un miroir inversé : en cherchant à se présenter comme une force de stabilité, il révèle surtout l’ampleur de la déconnexion entre les élites politiques et la réalité vécue par le peuple haïtien. Et dans cette cacophonie institutionnelle, c’est encore et toujours la voix du citoyen qui se perd dans le vacarme.

Quand le CPT répond à la souffrance du peuple par des formules creuses et des promesses de Gascon

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