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Quand les terroristes ont leurs diplomates : madame Cassy, passeport pour l’impunité

« On ne change pas une équipe qui magouille bien », pourrait-on dire. En effet, un mois après les révélations explosives du Réseau haïtien des journalistes anti-corruption (RHAJAC), le Premier ministre Alix Didier Fils-Aimé n’a pas bronché. Il a maintenu Katherine Cassy Chéry, épouse de l’inoubliable (et introuvable) ex-sénateur Nenel Cassy, à son prestigieux poste de responsable du service des passeports en République dominicaine. Et ce, malgré les accusations de corruption, de complot contre la sûreté de l’État, ainsi que les sanctions américaines et canadiennes pesant sur le couple. Apparemment, à défaut de mériter un visa, il suffit de savoir manipuler les réseaux pour obtenir une nomination.

Le RHAJAC ne cache pas son indignation : « Nous sommes plus que choqués ! », s’est exclamé Djovany Michel, son secrétaire général, dans une note de presse publiée ce lundi 21 juillet 2025. Selon l’organisation, Madame Cassy n’est pas qu’une simple fonctionnaire : elle fait office de « pont entre le Premier ministre Alix Didier et plusieurs chefs terroristes de la capitale ». Une sorte de diplomatie de l’ombre à la sauce haïtienne, où ceux qui alimentent le chaos se voient confier des postes stratégiques à l’étranger, pendant que la population s’enlise dans la terreur et l’errance administrative.

Nenel Cassy, officiellement recherché depuis le 18 février 2025 par la Police judiciaire, est accusé des mêmes crimes que d’autres préfèrent murmurer. Le RHAJAC, lui, le dit haut et fort : corruption, meurtres, menaces à la sécurité nationale. Pourtant, l’ancien sénateur reste insaisissable, probablement trop occupé à organiser des rendez-vous secrets avec des parrains armés ou à gérer ses affaires depuis un lieu bien discret. Comme le souligne le RHAJAC, « il est plus facile de croiser un rat dans les couloirs du Palais que de voir un mandat appliqué contre Cassy. »

Plus étonnant encore : au lieu de répondre à une convocation de la Police judiciaire, l’homme politique a tout simplement changé de trottoir. Plutôt que de se rendre devant l’institution compétente, Nenel Cassy a préféré se présenter au bureau du commissaire du gouvernement nommé par son allié, le Premier ministre lui-même, afin – tenez-vous bien – de bénéficier de sa protection. Nouvelle définition du courage judiciaire : se réfugier dans les bras du pouvoir, loin des dossiers trop brûlants.

Les États-Unis, dans un rare élan de lucidité diplomatique, avaient pourtant déjà sanctionné Katherine et Nenel Cassy en décembre 2023, pour abus de pouvoir et corruption. Le Canada, fidèle à ses décisions tardives mais symboliques, avait emboîté le pas en mars 2024. Pourtant, malgré ces lourdes accusations, Madame Cassy dirige toujours le service des passeports en territoire étranger. Ironie ? Stratégie ? Ou simple continuité d’un système où les criminels dictent les lois et où les cartes d’identité sont entre les pires mains possibles, comme dirait l’autre.

Fidèle à sa mission, le RHAJAC ne se contente pas de dénoncer : il exige la révocation immédiate de Katherine Cassy Chéry, du Premier ministre Alix Didier Fils-Aimé, du ministre de l’Intérieur Paul Antoine Bien-Aimé, ainsi que du commissaire du gouvernement Frantz Monclair. Pour Djovany Michel, « la République ne peut pas continuer à être dirigée par une bande de collaborateurs de criminels notoires, qui distribuent les postes comme des faveurs terroristes. » Et d’ajouter : « La presse ne restera pas silencieuse face à un tel affront à l’État de droit. »

Mais pendant ce temps, entre Pétion-Ville et l’étranger, tout ce beau monde continue d’opérer tranquillement. Ce que certains appellent gouvernance, d’autres le décrivent comme une administration du chaos. Et quand la République distribue des passeports à ceux qui devraient être sous surveillance, une seule question demeure : jusqu’où ira l’impunité, et à quel prix pour le peuple haïtien ?

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