Ankèt

Quel est le sens des fêtes nationales en Haïti ces dernières années ?

Autrefois, les fêtes nationales en Haïti étaient des moments de fierté, de mémoire collective et d’unité. On s’en souvient : des défilés colorés, des discours vibrants, des cérémonies empreintes de dignité. Ces dates symboliques — qu’il s’agisse du 1er janvier, du 2 janvier ou du 18 mai — rappelaient les luttes fondatrices du peuple haïtien, les victoires contre l’oppression et la grandeur d’un passé arraché au prix du sang.

Mais aujourd’hui, que reste-t-il de cette ferveur ? Le drapeau flotte encore, certes, mais souvent dans un ciel assombri par la peur, le deuil ou l’indifférence. Les fêtes nationales semblent désormais se résumer à quelques publications officielles sur les réseaux sociaux, des cérémonies protocolaires désertées par le peuple et des discours creux prononcés par des dirigeants coupés de la réalité.

Dans un pays où les balles remplacent les feux d’artifice, où les enfants apprennent l’hymne national entre deux sirènes de panique, où les héros tombent sans statue ni reconnaissance, célébrer la nation devient un acte presque absurde. Peut-on véritablement parler de souveraineté lorsque des territoires entiers sont contrôlés par des groupes armés ? Peut-on saluer l’indépendance alors que la majorité vit sous la dépendance de l’aide humanitaire ? Peut-on chanter la liberté alors que tant de gens sont retenus en otage, physiquement ou socialement ?

Le sens des fêtes nationales s’érode. Non pas parce que les dates ont perdu leur importance, mais parce que l’État lui-même a déserté son rôle. Il est difficile de commémorer la gloire passée quand le présent est fait d’abandon, de peur et d’injustice. La mémoire nationale s’étiole lorsque les symboles ne sont plus incarnés par des actes, mais recyclés à vide pour des raisons protocolaires.

Et pourtant, tout n’est pas perdu. Le peuple haïtien, dans sa résilience quotidienne, continue de porter en lui les braises d’une fierté profonde. Peut-être est-il temps de redonner un sens à ces dates, non pas à travers des discours officiels, mais en célébrant celles et ceux qui, dans l’ombre, continuent de faire vivre Haïti : les enseignants sous-payés, les infirmières épuisées, les jeunes qui refusent l’exil, les artistes, les militants, les agriculteurs, qui ne portent que les noms, les anonymes.

Redonner du sens aux fêtes nationales, ce n’est pas répéter le passé avec nostalgie. C’est exiger un présent à la hauteur de ce passé. C’est faire en sorte que les luttes d’hier ne soient pas trahies par les compromissions d’aujourd’hui.

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