Nouvèl ak Analiz

Qu’est-ce qu’être jeune en Haïti aujourd’hui ?

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Par Wandy CHARLES

Dans de nombreuses régions du monde, la jeunesse incarne la promesse d’un avenir meilleur. En Haïti, elle porte aussi le poids des crises multiples qui se succèdent et s’imbriquent. En cette Journée internationale de la jeunesse, un constat s’impose : pour une grande partie des jeunes Haïtiens, l’horizon est dominé par la précarité, l’insécurité et l’incertitude quant à leur avenir.

Port-au-Prince, 12 août 2025.- En Haïti, les diplômes ouvrent rarement les portes. Le pays affiche l’un des taux de chômage des jeunes les plus élevés de la région Caraïbe. Dans les faits, il ne s’agit pas seulement de chômage ouvert, mais aussi d’un chômage déguisé qui frappe des milliers de diplômés. De jeunes hommes et femmes investissent des années dans des études, parfois au prix de lourds sacrifices pour leurs familles, pour se retrouver confinés dans des emplois précaires : conducteurs de moto-taxi, agents de sécurité, employés occasionnels dans des commerces informels.

Selon les données de la Banque mondiale, près de 60 % des jeunes actifs occupent un emploi ne correspondant pas à leurs qualifications ou offrant des revenus insuffisants pour subvenir à leurs besoins de base. Cette situation alimente un sentiment d’injustice et de frustration, et nourrit un exode migratoire vers des pays voisins ou lointains, souvent au péril de leur vie.

« On nous répète qu’il faut étudier pour s’en sortir, mais la réalité, c’est qu’ici, un diplôme ne garantit rien », confie Frantz, 27 ans, licencié en sciences économiques et contraint de transporter des passagers à moto pour survivre.

Les armes comme alternative

Le manque d’opportunités économiques, combiné à l’effondrement des structures de sécurité, ouvre un boulevard au recrutement des jeunes par les gangs armés. D’après l’UNICEF, le nombre d’enfants enrôlés a bondi de 70 % en un an, et certains ont à peine 8 ans. Ces groupes leur offrent un revenu, une « protection » et un sentiment d’appartenance, dans un contexte où les institutions sont absentes.

Aujourd’hui, environ 85 % de Port-au-Prince se trouve sous influence directe ou indirecte des gangs. La violence qui y règne dépasse le simple affrontement armé : les corps des jeunes, notamment des jeunes filles, deviennent le théâtre d’exactions sexuelles massives. Dans les quartiers les plus vulnérables, le choix se résume souvent à rejoindre un gang ou tenter de fuir, au risque de tout perdre.

L’éducation prise pour cible

Pour les jeunes Haïtiens, l’école n’est pas seulement un lieu d’apprentissage, mais un refuge contre la rue. Pourtant, cet espace de protection se rétrécit. Les attaques armées, les pillages et les occupations par des groupes criminels se sont multipliés. En 2024, 284 écoles ont été détruites ou endommagées, dont 47 en janvier seulement.

Le système éducatif, déjà fragile, ne parvient pas à absorber ces chocs. Les enseignants désertent certaines zones par crainte pour leur vie. Les élèves, eux, sont déplacés avec leurs familles, parfois à plusieurs reprises, interrompant leur scolarité pendant des mois. Au total, plus d’un million de personnes vivent aujourd’hui en déplacement forcé à l’intérieur du pays, et plus de la moitié sont des enfants ou des adolescents.

Un quotidien miné par la pauvreté et les inégalités

Haïti compte une population dont près de 49 % a moins de 25 ans. Ce potentiel démographique pourrait constituer un atout pour le développement, mais il se heurte à une réalité socio-économique implacable : près des deux tiers de la population vivent avec moins de 2 dollars par jour.

Pour de nombreux jeunes, cette pauvreté se traduit par un accès limité aux soins, à une alimentation équilibrée et aux services de base. En milieu rural, l’analphabétisme reste élevé, touchant plus de la moitié des adultes, avec des taux encore plus forts chez les jeunes femmes. Le manque de formation professionnelle adaptée freine leur insertion sur le marché du travail, et renforce le cercle vicieux de l’exclusion sociale.

Malgré ce tableau sombre, la jeunesse haïtienne ne se réduit pas à la résignation. Dans des quartiers fragilisés, des initiatives communautaires voient le jour : ateliers d’apprentissage, micro-entreprises locales, projets artistiques ou sportifs pour offrir aux jeunes une alternative à la violence. Ces actions restent toutefois fragiles, dépendantes du soutien d’ONG, d’associations locales ou de financements ponctuels, et peinent à se généraliser.

En ce 12 août, alors que le monde célèbre la Journée internationale de la jeunesse, la question prend en Haïti un sens particulier : qu’est-ce qu’être jeune dans un pays où la pauvreté, l’insécurité et le manque d’opportunités forment l’horizon quotidien ?

La réponse, aujourd’hui, oscille entre survie et résistance. Mais derrière chaque histoire de précarité, il y a aussi une volonté de s’accrocher, de créer, de bâtir… à condition que la société et les autorités leur en donnent réellement les moyens.

Vant Bef Info (VBI)

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