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Solino : l’illusion d’un retour et la désolation d’un quartier à l’abandon

Vant Bèf Info (VBI). Vant Bèf Info (VBI) – vien de publier cet article

À l’entrée de Solino, les ruines parlent plus fort que tous les mots que je pourrais utiliser dans cet article. Les maisons éventrées, les toitures en tôle arrachées, les façades criblées de balles et les rues désertées offrent le spectacle d’un quartier meurtri.

Port-au-Prince, août 2025 –
Ici, à Solino, la vie s’est arrêtée depuis que les groupes armés de la coalition Viv Ansanm ont pris possession des lieux. Aujourd’hui, ironie cruelle, ce sont ces mêmes bandits qui appellent les habitants à « rentrer chez eux », alors que leurs pas résonnent encore dans les camps de fortune dressés aux quatre coins de la capitale.

L’appel des gangs : promesse ou piège ?

Dans un message diffusé par des relais locaux, Viv Ansanm a invité les familles de Solino à « reprendre leurs domiciles ». Les chefs de gang jurent que la « tranquillité » est revenue et que la « communauté doit renaître ». Mais derrière cet appel, nombreux sont ceux qui y voient une manœuvre cynique : ramener la population sous le joug des armes, utiliser les habitants comme boucliers humains, légitimer leur contrôle territorial et contrer l’action des forces de l’ordre.

« Comment retourner dans nos maisons alors que ceux qui nous ont chassés tiennent encore les clés du quartier ? Et quel est le prix à payer ? », s’interroge Mireille, déplacée depuis huit mois dans un camp de fortune. Sa voix tremble de colère : « Ils veulent que nous vivions sous leur loi, pas dans la paix. »

Un quartier fantôme

Solino n’a plus le visage d’un quartier vivant. Ses rues, autrefois animées, sont devenues des couloirs de silence et de peur. Les barricades calcinées rappellent les combats récents. Les marchés de rue ont disparu, les écoles sont fermées, les églises vides. L’électricité ne circule plus, l’eau non plus. Même les chiens errants ont déserté, laissant la poussière et les ordures régner en maîtres.

S’il y a une chose que les malfrats n’ont pas emportée, ce sont les livres des riverains. « Dans toutes les maisons que j’ai pu pénétrer lors d’une inspection, j’ai vu des livres. Ils ont tout pris, mais ils ont laissé les bouquins », confie Rony, un jeune habitant de la zone.

Les rares habitants restés sur place racontent un quotidien marqué par la pénurie et la peur. Chaque déplacement est un risque, chaque bruit de moteur ou de rafale un rappel brutal que la paix n’est encore qu’une illusion.

Les camps : l’autre visage de Solino

À l’extérieur, des milliers d’âmes déplacées portent la mémoire du quartier. Dans les abris de fortune, les familles de Solino survivent sous des bâches de plastique, à même le sol. L’eau manque, les latrines sont rares, les maladies prolifèrent. Les enfants n’ont plus d’école, les parents plus de travail. Et pourtant, ils refusent de croire que tout est perdu.

« Nou bouke viv nan kan » (Nous en avons assez de vivre dans les camps), scandaient-ils lors d’une marche pacifique récente, réclamant la reconquête de leur quartier par l’État. Mais pour l’heure, c’est le désespoir qui domine : certains déplacés commencent à douter qu’ils reverront un jour les murs de leurs maisons.

Le dilemme du retour

Entre la peur de rester dans des conditions inhumaines et la crainte de retomber dans les griffes des gangs, les familles de Solino sont prises au piège. L’appel de Viv Ansanm se heurte au silence des autorités : aucune opération d’envergure n’a encore garanti un retour sécurisé.

Solino demeure ainsi le symbole d’une capitale prise en otage : un quartier transformé en champ de ruines par les armes, où la vie se fige dans l’attente. L’attente d’une vraie libération, qui ne viendra pas des gangs, mais d’un État capable de reprendre possession de ses territoires et de rendre à ses citoyens le droit fondamental de vivre chez eux.

Wandy CHARLES
Vant Bèf Info (VBI)

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